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plus sérieux motif de découragement dans la recherche
de la vérité, c’est assurément la prodigieuse diversité des
opinions humaines ; des contradictions si nombreuses et si
frappantes semblent bien justifier tous les doutes sur l’unité et
la véracité de la raison. Les sceptiques n’ont pas d’argument
plus spécieux. Ces contradictions, en effet, ne s’expliquent
pas seulement par la passion, qui est étrangère à la nature de
l’esprit même, elles se produisent sur des questions où nul
autre intérêt n’est en jeu que celui de la vérité, où l’erreur
paraît ne pouvoir provenir que d’un vice des facultés
intellectuelles. On comprend que les problèmes sociaux, à supposer la
bonne foi dans tous les partis, trouvent difficilement des
solutions unanimes, car les opinions immédiatement pratiques sont
trop voisines des intérêts pour ne point les suivre et se diviser
avec eux. Mais le dissentiment n’est point moindre,
lorsqu’il s’agit des spéculations abstraites qui n’ont qu’une
influence très indirecte sur la vie positive. Des philosophes,
des savants, qui n’étudient que par pure curiosité, qui ne
pensent que pour le fruit intérieur de la pensée, se rencontrent
rarement et ne s’accordent presque jamais. Il faut donc qu’en
dehors des mobiles passionnels il existe dans la nature même
de l’esprit des causes de ce dissentiment.
Il ne suffit pas d’alléguer que les penseurs se placent à des points de vue différents, car, quelque distants que soient