Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/292

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Et dans l’ombre ou l’éclair de leur fixe prunelle
Je vois rêver en paix la Nature éternelle :
Par leurs yeux elle tente un regard ignorant
Sur son œuvre, pour elle encore indifférent,
Et semble s’étonner devant ses propres gestes ;
C’est par leurs yeux, hantés d’images indigestes,
Qu’elle entrevoit d’abord, confuses visions,
Le luxe éblouissant de ses éclosions !
Elle en dégage à peine une aube de pensée,
L’ère de l’âme en elle est déjà commencée !
D’âge en âge elle essaye à des songes nouveaux
Sa conscience éparse en mille étroits cerveaux,
Sans discerner encore, à leur humble étincelle,
De ses lois en travail l’orgie universelle.



II



Elle n’en sentira ni pitié ni terreur,
Avant qu’un jour plus net en dénonce l’horreur !
C’est dans l’humanité qu’à sa fatale date
La révélation de cette horreur éclate,
Et qu’enfin la Nature émet le premier vœu
Qui, dépassant son œuvre, en soit le désaveu !