Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/58

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raient être autre chose. Or qu’est-ce qu’une résultante ? Une résultante est nécessairement de même nature que ses composantes, elle n’est que leur somme en quelque sorte personnifiée ; elle ne peut produire que des effets de même nature que les effets produits par ses composantes, et même ses effets doivent impliquer celui que chacune d’elles eût produit en agissant seule ; enfin les composantes doivent être toutes de même nature, sinon leur somme, qui est la résultante même, serait impossible. Si donc tous les corps sont des résultantes de molécules groupées, il faut que toutes les catégories de la nature soient impliquées dans chaque molécule, que toutes les espèces d’activité physiques, chimiques, vitales, morales s’y trouvent contenues à un certain degré ; le monde est tout entier dans chaque molécule, et toutes sont de même nature, puisqu’elles se suppléent perpétuellement comme composantes dans leur circulation sans fin d’un corps à l’autre. Cette conséquence, à vrai dire, ne manque pas de grandeur, mais les atomistes modernes ne sont-ils pas un peu surpris de reproduire forcément l’homœomérie antique dans toute son étrangeté ? Ils ne peuvent y échapper qu’en se jetant dans le système d’Épicure qui borne les propriétés de la molécule à la solidité, à la figure et au mouvement ; c’est avec cela qu’il leur faut expliquer le monde. C’est assez, en effet, pour expliquer les phénomènes mécaniques, mais tous les phénomènes sont-ils réductibles à l’essence tactile ? Aux tendances qui s’accusent de plus en plus dans nos théories scientifiques, on serait tenté de le croire. Nous avons remarqué déjà que toute la physique marche à une synthèse purement mécanique, La chimie suit la même pente ; voici que les vues de Newton sur l’affinité, oubliées longtemps comme une extension téméraire de sa