Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/79

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passe la perception de cet arbre, ne s’en contente pas, sent de l’inconnu, interroge et demande l’origine, la manière d’être et le but de cet objet. Il est clair que l’esprit serait hors d’état de poser ces questions dont les termes ne lui sont pas fournis par l’expérience externe, par la perception seule de l’objet, si déjà les notions d’origine, de cause, de moyen et de fin, n’existaient en lui, acquises ou innées, avant qu’il interrogeât. Et si nous allons au fond de toute interrogation, quelle qu’elle soit, nous trouvons qu’elle implique toujours un premier terme abstrait ou prédicat indéterminé, et un second terme ou sujet qui ne sera spécifié que par une détermination du prédicat. Ainsi, l’arbre que voilà est le sujet qui ne paraît pas suffisamment spécifié tant qu’on ignore d’où il vient, comment il est organisé, à quelle fin il existe ; et il s’agit de déterminer son origine, son mode d’être et sa fin, les trois termes que l’esprit conçoit comme spécifiant cet arbre. De là, trois questions posées sous la forme : d’où vient cet arbre ? comment est-il ? pourquoi est-il ? c’est-à-dire à quelle fin ?


LOIS DE LA CURIOSITÉ




Cette analyse fournit les donnés d’une théorie de la curiosité que nous ne pouvons développer ici ; nous n’en présentons que les résultats principaux.

En premier lieu : une question n’est fondée que si le prédicat convient au sujet, si une détermination du premier est de nature à spécifier le second, condition qui n’est pas toujours appréciable. Demander, par exemple, où est la pensée.