Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1879-1888.djvu/188

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Implore un nouveau leurre à l’ennui qui le ronge ;
Le marchand qui poursuit un gain, l’artiste un songe,
Le laboureur la pluie et le marin le vent,
Le guerrier la victoire aveugle trop souvent.
Le fort l’autorité, le faible la justice,
Tous, que l’un le conjure ou l’autre le maudisse,
Nomment un maître hostile ou propice à leurs vœux.
Dont ils cherchent très haut le trône au-dessus d’eux.
Et, misérables tous, lancent, farouche ou tendre,
Leur appel dans l’abime à qui pourra l’entendre !

Cet appel marche, il monte, il a dépassé l’air,
Il ébranle déjà l’incorruptible éther.
Il progresse, il atteint les sphères lumineuses.
Pas une étoile encore, entre les plus fameuses
Que sa grande onde effleure ou traverse en chemin,
Ne reconnaît en lui la voix du genre humain.

Mais la Divinité, ni proche ni lointaine,
Règne immanente au monde, et, sans faveur ni haine,
Des destins mérités mûrit le juste choix.
Elle laisse vaguer tout ce vain bruit de voix
Dans l’espace peuplé des séjours transitoires
Qu’aux émigrants mortels assignent les victoires
Ou les relâchements de leur libre vertu.
Par delà leurs tombeaux, où rien n’en est perdu.