Page:Sully Prudhomme - Poésies 1866-1872, 1872.djvu/127

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DÉCLIN D’AMOUR


 
Dans le mortel soupir de l’automne, qui frôle
           Au bord du lac les joncs frileux,
Passe un murmure éteint : c’est l’eau triste et le saule
           Qui se parlent entre eux.

Le saule : « Je languis, vois ! Ma verdure tombe
           Et jonche ton cristal glacé ;
Toi qui fus la compagne, aujourd’hui sois la tombe
           De mon printemps passé. »

Il dit. La feuille glisse et va jaunir l’eau brune.
           L’eau répond : « O mon pâle amant,
Ne laisse pas ainsi tomber une par une
           Tes feuilles lentement ;

« Ce baiser me fait mal, autant, je te l’assure,
           Que les coups des avirons lourds ;
Le frisson qu’il me donne est comme une blessure
           Qui s’élargit toujours.