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réflexions sur l’art des vers

découverte de la vérité impose le respect aux vieillards mêmes envers le plus jeune des savants ; vous, vous en êtes réduits à ne l’oser réclamer que pour votre âge, sans l’obtenir toujours de vos cadets qui débutent, et ils sont encore plus à plaindre que leurs aînés.

Qu’on s’imagine, en effet, la situation d’un jeune homme d’une vingtaine d’années débutant aujourd’hui dans l’art des vers. Il en a eu le goût dès l’adolescence, il y était enclin ; il en a, peu à peu, tout seul, appris les règles, d’abord par la culture des poètes classiques et par des conseils recueillis de divers côtés ; puis il s’en est assimilé les secrets, les ruses et les derniers raffinements par la lecture des plus récents chefs d’école et le commerce de leurs zélateurs. Il souffre de ses amours, de l’aigre ou sourde opposition d’une famille alarmée, et trop souvent de la pauvreté, qui l’enchaîne à un odieux gagne-pain. Ce sont des déboires, des désillusions, les mille douleurs juvéniles qui, en général, lui fournissent ses premières inspirations, mélancoliques, révoltées ou amères. Aussi, le plus souvent, commence-t-il par