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réflexions sur l’art des vers

l’ignorance de la grammaire reçue ou le parti pris d’être inintelligible, ou quelque prétention bizarrement subversive. Comme, d’ailleurs, la syntaxe est, au fond, non moins conventionnelle que le vocabulaire, chacun peut, sans violer la nature des choses, proposer une syntaxe nouvelle aussi bien qu’un mot nouveau. Il ne s’agit que de la faire accepter. Le style seul est expressif ; seul il anime la phrase en lui communiquant l’émotion de l’écrivain, le mouvement même de son âme sous l’impression de ce qu’il rapporte.

Le style est donc tout ce qui, dans le langage, échappe à la convention. Il a pour condition fondamentale la grammaire, pour instrument immédiat le son vocal, le clavier de la langue, en un mot la phonétique ; mais, remarquons-le bien, non pas la phonétique tout entière. Chaque mot, en effet, a sa sonorité propre qui, on le sait, n’est pas nécessairement imitative, expressive de la chose signifiée, non plus que des affections de l’âme émue par celle-ci. Se proposer d’employer exclusivement les vocables