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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

prompt accomplissement, des habitants et bourgeois de ses villes de Rouen et de la vôtre de Saint-Malo, » c’est pourquoi « j’ai pensé qu’il serait expédient assembler à Rouen dans la fin de ce mois les habitants du dit lieu, les députés que vous y enverrez et le dit capitaine Chauvin[1], où j’ai fait faire commandement par Sa Majesté à M. le premier président de Rouen et au sieur commandeur de Chatte, mon vice-amiral, vous ouïr et entendre. »

Sur les pièces du 2 et 3 janvier 1603, la communauté de Saint-Malo décide, le 26 janvier, que « Bertrand Lefer Lymonnay, député à la cour pour les affaires de cette cité… fera remontrance à Sa Majesté le peu d’importance que le dit trafic de Canada apporte au (bien) général de cette ville, » et là-dessus détermination formelle de ne pas envoyer de représentants à l’assemblée de Rouen.

Une fusion des marchands et armateurs des deux villes devenait donc impossible. Il est vrai que Pontgravé était de Saint-Malo, mais il est à croire qu’il agissait pour son compte et non celui de la communauté. Toutefois, les protestations ne cessaient de pleuvoir sur la table du roi. Il en résulta l’ordonnance suivante, en date du 13 mars 1603 : « Sur la requête présentée par les bourgeois et habitants de Saint-Malo, tendant à ce qu’il plut au roi rendre libre le trafic du Canada, çi-devant découvert avec grande dépense par leurs prédécesseurs, nonobstant les permissions et défenses prétendues par les capitaines Prévert[2] et Pontgravé, le roi… ordonne que le capitaine Coulombier, de Saint-Malo, nommé par les dits habitants du dit Saint-Malo, armera un vaisseau, en la présente année, pour, avec les deux navires des dits Prévert et Pontgravé, conjointement et séparément,… aller au trafic et découverture des terres de Canada et pays adjaçants. »

Le 7 avril, le « Vénérable et discret maître Guillaume le Gouverneur, doyen et chanoine de l’église de Saint-Malo » (évêque de Saint-Malo en 1610), donne connaissance à la communauté des bourgeois des lettres du roi ci-dessus, autorisant Gilles Eberard, sieur du Coulombier, à armer un navire malouin, etc., ce qui est accueilli à la satisfaction générale.

Sur cet arrangement, le commandeur de Chatte eut pu sans crainte se mettre à recruter des colons, comme c’était sa pensée, tandis que ses explorateurs voguaient vers la Nouvelle-France en quête d’un lieu propice à leur établissement. Par malheur, la mort l’en empêcha.

Pontgravé et Champlain avaient mis à la voile, à Honfleur, le 15 mars (1603), et, après une traversée passablement orageuse, ils entraient dans le havre de Tadoussac le 24 mai.

« Quelques bandes de Montagnais (peuple du Saguenay) et d’Algonquins (peuple de l’Ottawa), cabanés à la pointe aux Alouettes, au bas d’un petit côteau, écrit M. l’abbé Laverdière, attendaient l’arrivée des Français. Pont-Gravé, dans un voyage précédent, avait emmené en France deux Sauvages, et il les ramenait cette année afin qu’ils fissent à leurs compatriotes le récit de tout ce qu’ils avaient vu au delà du « grand lac. » Le lendemain, il alla, avec Champlain, les reconduire à la cabane du grand sagamo, Anadabijon. »

  1. Il est dit que Chauvin mourut au moment d’embarquer pour un quatrième voyage au Canada. Ce dût être au printemps de 1603.
  2. Le capitaine Prévert, de Saint-Malo, était à la recherche des mines en Acadie, l’été de 1603, au lieu appelé depuis bassin des Mines. Il retourna en France avec Champlain, mais sur un vaisseau à lui, fin d’août de cette année. C’était un fameux inventeur de récits fabuleux. On lui doit l’histoire du Gougou.