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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

gation établies dans la plus grande partie des cures de la campagne, nous autorisons les directeurs de l’hôpital-général à faire l’instruction des jeunes garçons, et pour cet effet voulons qu’ils fassent tenir des écoles publiques dans le dit hôpital et qu’ils puissent envoyer des maîtres d’école dans toutes les paroisses du diocèse de Québec. » Au moment où son œuvre acquérait ainsi une base stable, le frère Charron mourut (1719) sur un vaisseau devant la Rochelle, mais le séminaire de Saint-Sulpice seconda l’entreprise et procura aux frères le moyen de se former et de s’établir dans plusieurs villages des environs de Montréal, spécialement à la Pointe-aux-Trembles, à Boucherville, à Longueuil, où les prêtres du séminaire exerçaient les fonctions curiales. Cette même année, 1719, M. Lechassier, supérieur de Saint-Sulpice, écrivait de Paris aux-pères de Montréal : « C’est un si grand bien pour la colonie, de pouvoir répandre dans l’île et aux environs de bons maîtres d’écoles pour les jeunes garçons, qu’il faut contribuer pour faire réussir cette bonne œuvre, et pour procurer qu’il y ait de bons maîtres d’une vraie et solide piété, de mœurs pures et de saines doctrines. Pourtant, il ne faut pas pour cela ruiner votre école de paroisse, ni en ôter les fonds ; il ne faut pas non plus priver votre église d’enfants de chœur, ni abandonner ceux à qui on enseigne le latin. » En 1720, on nomma un maître des novices. L’année suivante, six écoles étaient ouvertes sous la direction des frères Dumoire à Montréal, Jeantot à la Pointe-aux-Trembles, Louis Pillard à Boucherville, Simonnet de la Croix à Longueuil, Datte à Batiscan et Antoine de Lagirardière aux Trois-Rivières. Bientôt la cour défendit aux maîtres de prendre un habit uniforme et de s’engager par des vœux simples, ce qui semble avoir contribué à diminuer leur prestige dans le peuple en même temps que de se perpétuer comme organisation. Quelques bons curés, entre autre, occupaient leurs loisirs à enseigner à lire et à écrire aux enfants les plus voisins de leur presbytère ; trois ou quatre récollets mendiants, allaient de portes en portes, dans les paroisses, y laissaient des lambeaux d’instruction pour prix de l’hospitalité qu’ils recevaient. En somme, il n’existait ni système ni plan d’ensemble, tout se faisait sous l’inspiration du moment et par la générosité des individus.

La maison ou hôpital-général des frères Charron à Montréal « est belle et l’église fort jolie » disait Charlevoix en 1721. Il y a apparence que la réponse peu favorable du duc d’Orléans au sujet de l’uniforme, etc., avait eu pour résultat de faire reporter sur l’hôpital et sur l’église une trop forte partie de la subvention de trois mille livres accordée annuellement. M. de Vaudreuil intervint. L’automne de 1722 on enregistra, à Québec, un édit du roi obligeant l’hôpital-général de Montréal à entretenir huit maîtres d’école, qui tiendront des classes gratuites en différents endroits du pays et qui recevront chacun trois cent soixante et quinze livres par année au plus, à même la subvention précitée ; toute épargne qui pourra être faite sur ces sommes de trois cent soixante et quinze livres, selon les arrangements que l’hôpital fera avec les maîtres d’école, tournera au profit de l’hôpital.

Le frère Chrétien Turc, successeur de M. Charron, passa en France (1722) et ramena dix maîtres d’écoles. L’année suivante, Mgr  de Saint-Valier donna à ces frères une constitution fort étendue et leur permit de reprendre le costume qu’ils avaient porté avant 1707.