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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

Les frères Charron diminuant en nombre, on leur retira, en 1731, la subvention du gouvernement. Ils tentèrent, cinq ou six années plus tard, de s’amalgamer avec les frères de la Doctrine Chrétienne, mais sans résultat ; enfin, en 1745, leur institut tomba tout-à-fait.

Dans le mémoire de 1736, attribué à Hocquart, on lit : « Toute l’éducation que reçoivent la plupart des enfants d’officiers et des gentilshommes se borne à très peu de chose ; à peine savent-ils lire et écrire ; ils ignorent les premiers éléments de la géographie, de l’histoire ; il serait bien à désirer qu’ils fussent plus instruits. Le professeur d’hydrographie, à Québec, est si occupé de sa charge de principal du collège, même des fonctions de missionnaire, qu’il ne peut vaquer autant qu’il est nécessaire à sa charge de professeur. À Montréal, la jeunesse est privée de toute éducation ; les enfants vont à des écoles publiques qui sont établies au séminaire de Saint-Sulpice et chez les frères Charron, où ils apprennent les premiers éléments de la grammaire seulement. Des jeunes gens qui n’ont d’autres secours, ne peuvent jamais devenir des hommes utiles. On estime que si, dans chacune des villes de Québec et de Montréal, Sa Majesté voulait bien entretenir un maître qui enseignât la géométrie, les fortifications, la géographie aux cadets qui sont dans les troupes, et que ces cadets fussent tenus d’être assidus aux leçons qui leur seraient données, cela formerait par la suite des sujets capables de rendre de bons services. Les Canadiens ont communément de l’esprit, et on croit que l’établissement proposé aurait le succès qu’on en peut espérer. »

Le professeur Kalm qui visita la colonie en 1749, nous a laissé quelques renseignements sur la question qui nous occupe : « Il y a des écoles à Québec et à Saint-Joachim, pour préparer aux ordres les enfants du pays. Ils y apprennent le latin et les sciences qui ont le plus de rapports avec l’état auquel on les destine. Cependant, on n’est pas toujours heureux dans le choix des sujets, et des gens de capacités médiocres sont souvent ordonnés. Les curés ne paraissent pas très fort sur le latin, car quoique le service se fasse dans cette langue, et qu’ils lisent leur bréviaire et d’autres livres chaque jour, la plupart ne parle le latin que très difficilement… Deux prêtres résident à Saint-Joachim, et avec eux un certain nombre de jeunes gens à qui ils enseignent la lecture, l’écriture et le latin ; la plupart de ces élèves sont destinés à la prêtrise… Il n’y a pas d’imprimerie maintenant, en Canada, quoiqu’il y en ait eu autrefois. Les livres sont importés de France et les mandats sont tous écrits, même le papier-monnaie. On donne pour raison de l’absence d’établissements typographiques la crainte que l’imprimerie ne soit un moyen de propager des libelles contre le gouvernement et la religion, mais la vraie raison est, je crois, la pauvreté du pays. Aucun imprimeur ne pourrait trouver à vendre un nombre suffisant de livres pour gagner sa vie. Il se peut aussi que la France tienne à se réserver les bénéfices résultant de l’exportation des livres dans sa colonie. »

En admettant que l’imprimerie ait existée dans la Nouvelle-France avant l’époque de Kalm, elle ne pouvait être qu’un instrument aux mains du pouvoir civil ou religieux, par conséquent rien de comparable à ce que nous entendons par « la presse. » On a pu se servir d’appareils typographiques pour frapper des billets de caisses, des circulaires de milice ou