Page:Sulte - Histoires des Canadiens-français, 1608-1880, tome III, 1882.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE I

1646-48.


Nouvelles seigneuries. — Colons nouveaux. — Réformes dans l’administration du pays. — Guerre des Iroquois. — M. d’Ailleboust gouverneur.


B

ien loin d’avoir plu aux Cent-Associés, la compagnie des Habitants leur portait ombrage, et comme les premiers s’étaient réservé la concession des terres, leurs amis croyaient que son influence dans les affaires du Canada ne serait aucunement diminuée par l’abandon du trafic. Cent vingt colons ne pouvaient lutter, croyaient-ils, contre la politique d’un cercle d’hommes bien établis en cour. Ils ne songeaient pas que les colons, fatigués des abus du passé, opposeraient une résistance aussi habile que courageuse.

L’automne de 1645, MM. Le Gardeur de Repentigny, Le Gardeur de Tilly et Jean-Paul Godefroy étaient partis pour la France, dans l’espoir de régler définitivement les conditions du nouvel état de choses. À Québec, les commis des Cent-Associés ne s’entendaient point avec les Habitants ; aussi voit-on que, dès le mois de janvier 1646, il y eut des désaccords où figurent Marsolet, Maheu et le jeune Robineau. Marsolet était un esprit indépendant qui ne voulait recevoir la dictée de personne ; Maheu, véritable habitant, s’inspirait des besoins du pays ; Robineau, fils d’un ancien membre de la compagnie des Cent-Associés, montrait déjà qu’il comptait faire du pays nouveau sa patrie d’adoption. Tous trois ont fondé des familles purement canadiennes. Cet esprit de résistance alarmait les fidèles de la grande compagnie ; mais rien n’était moins propre à le faire disparaître que l’ombrageuse conduite de ceux dont les habitants avaient à se plaindre : c’est pourquoi il se perpétua. Les Normands ont l’instinct de la liberté, prise dans de justes mesures ; c’est pourquoi le petit groupe de colons du Canada, tiré en majorité du nord de la France, surtout de la Normandie et du Perche, ne craignit point d’engager la lutte sur le terrain où on l’avait poussée. Nous en verrons les résultats à mesure que les événements se dérouleront sous nos yeux.

Des colons signalés pour la première fois en 1646, nous connaissons ceux qui suivent :

Urbain Baudry dit Lamarche, taillandier, de Luché ou Huché, Anjou, se maria (1647) avec Madeleine, fille de Gaspard Boucher. Sa descendance est fort nombreuse. Il s’établit aux Trois-Rivières ; une branche de cette famille porta le nom de Desbuttes  ; une autre