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En 1640, les Iroquois apprirent l’usage des armes à feu. Nos établissements se trouvèrent en danger. Chaque habitant devint son propre défenseur. Les soldats étaient en si petit nombre, qu’il fallut en quelque sorte que tout le monde se fît milicien. « Faute de troupes, dit M. Garneau, le gouverneur se voyait témoin passif de la lutte des sauvages, exposé souvent à leurs insultes, sans pouvoir faire respecter son drapeau, qu’ils venaient braver jusque sous le canon des forts. »

Le jeune Pierre Boucher, revenant du pays des Hurons, entra dans la garnison de Québec comme simple soldat, en 1641. Si cette garnison était composée de troupes royales, ou des Cent-Associés, on voit qu’elle recevait aussi des volontaires canadiens.

Le roi n’était pas obligé de prendre sur lui la charge de défendre la Nouvelle-France. C’était là le devoir de la compagnie des Cent-Associés ; mais, en cela comme dans presque tout le reste, ces tristes seigneurs négligeaient de remplir leurs obligations.

M. de Maisonneuve partait pour le Canada (1641) lorsque, sur la demande d’un père jésuite, la duchesse d’Aiguillon se chargea d’exposer au cardinal de Richelieu la situation dangereuse dans laquelle se trouvaient les habitants du Canada, « ce qui lui succéda si heureusement, écrit le père Vimont, qu’elle obtint un puissant secours contre nos ennemis ». La nouvelle en parvint à Québec vers l’automne, et M. de Montmagny « fit aussitôt disposer la charpente d’une maison, devant même que les vaisseaux qui devaient apporter les ouvriers eussent paru, se doutant bien que, si on attendait leur venue, ils ne pourraient loger durant l’hiver au lieu où l’on désire poser les fortifications… La joie que les Français et sauvages ont senti par deçà à la venue de ce secours n’est pas concevable. La crainte qu’on avait des Iroquois avait tellement abattu les cœurs qu’on ne vivait que dans les appréhensions de la mort ; mais sitôt que la nouvelle fut venue que l’on allait dresser des fortifications sur les avenues des Iroquois, toute crainte cessa, chacun reprit courage et commença à marcher tête levée, avec autant d’assurance que si le fort eut déjà été bâti ». Le secours en question arriva l’année suivante. Le fort dont il est parlé ci-dessus devait être celui de Richelieu[1], où se distingua le caporal Durocher (août 1642).

Au mois d’octobre (1642), nous rencontrons au registre des Trois-Rivières les noms des soldats Sevestre, Desvittets, Joli et Laharpinière.

La plupart des hommes conduits à Montréal en 1642 paraissent avoir été engagés à titre de soldats et d’artisans ; mais c’était là un simple effort particulier, un acte de dévouement de M. de Maisonneuve et de ses associés. Ni la grande compagnie ni le roi n’y avaient pris part.

Dans la Vie du Père Jogues, le R. P. Martin dit que, en 1642, il y avait quinze soldats à Québec qui coûtaient au trésor douze mille cent quatre-vingts livres ; aux Trois-Rivières, soixante et dix soldats, et à Montréal, autant. Ceci n’est pas très clair, puisque Montréal commençait et ne renfermait guère plus de quarante personnes.

Au mois de mai 1643, nous avons vu Pierre Caulmont dit La Roche conduire une

  1. Voir tome II, pages 120, 122.