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CHAPITRE IV

1654-57.


Montréal se développe. — Affaires du commerce. — Les Cent-Associés. — Massacres des Français et des Hurons. — M. de Lauson rappelé.


I

l y avait quarante-cinq ans que le poste de Québec était fondé ; dix-neuf ans que les Trois-Rivières possédaient des habitants stables ; onze ans que Montréal vivait au pied des murs de son fort — et cette colonie, qui eût dû compter deux ou trois mille hommes en état de la faire respecter, était si faible qu’elle regardait comme son unique salut une centaine d’artisans engagés pour partager ses travaux, sa destinée, et au besoin ses périls.

« Aucun seigneur jusque-là n’avait amené un pareil noyau de population ; en outre, la situation de Montréal, presque au centre du pays des Iroquois, plus périlleuse pour elle-même, créait un poste avancé et menaçant qui assurait plus de tranquillité aux établissements inférieurs du fleuve ; ce n’est donc point sans raison que l’abbé Faillon dit que cette œuvre toute chrétienne et dévouée fut alors le bouclier et peut-être le salut de la colonie canadienne[1]. » Montréal sauva la colonie en 1653 et en 1660.

Les annalistes et les historiens qualifient de soldats les hommes arrivés à Montréal en 1653. C’étaient tout bonnement des laboureurs et des gens de métiers qui, à l’heure de l’épreuve, ont su se transformer et manier les armes avec bravoure.

Engagés pour cinq ans avec l’intention de retourner en France, ils paraissent, néanmoins, avoir pris goût au pays nouveau, puisque, dans l’espace de dix-huit mois qui suivirent leur arrivée, plus de trente d’entre eux se firent accorder des terres ; en même temps, seize ou dix-sept anciens colons reçurent des lots destinés à être mis en culture. M. Faillon porte à quarante-six le nombre des familles de l’île, année 1655. La société de Montréal les aidait par tous les moyens en son pouvoir : elle comprenait l’importance de la colonisation.

« Ce qui nous reste aujourd’hui de ces gens-là, écrivait en 1670 M. Dollier de Casson, sont de fort bons habitants dont le nom sera, j’espère, mentionné dans le livre de vie pour la récompense de leurs bonnes actions. Si la manière d’écrire l’histoire me permettait de les nommer tous, je les nommerais joyeusement, parce qu’il y en a bien peu qui n’aient mérité

  1. Rameau : La France aux colonies, II, 19.