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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

mêmes. Les décisions de leur juge étaient portées en appel aux Trois-Rivières, où les disputes recommençaient. Le conseil souverain décida (20 janvier 1670) que ces appellations ressortiraient des Trois-Rivières, contrairement à la demande des pères jésuites qui voulaient que leur juge (ils étaient seigneurs du Cap) relevât du conseil. Cette mesure, conforme à la manière dont le pays était administré, ne calma point les esprits et fit perdre aux jésuites le reste de leur prestige dans ces localités. Les anciennes querelles se réveillèrent et rendirent la situation intenable pour ces religieux. On peut dire avec le père Le Clercq, récollet, que « la mission des Trois-Rivières n’était remplie de personne » lorsque les récollets arrivèrent, en 1670. Le registre de la paroisse montre cependant que les jésuites y exercèrent les fonctions curiales jusqu’au 23 septembre 1670, que M. Pierre de Caumont, prêtre séculier, y était le 9 octobre. Le frère Hilarion Guénin, récollet, fit son premier acte en ce lieu le 18 janvier 1671. Ensuite, on rencontre (19 janvier, 19 avril, 7 juillet et 24 septembre) le père Richard, jésuite. M. Dubois d’Esgrizelles, prêtre, le 18 mai ; M. Jean Jallet, prêtre, le 6 septembre, s’y rencontrent aussi. Le frère Claude Moireau, récollet, inscrit son nom pour la première fois (comme curé) le 12 novembre 1671. Depuis cette date, les jésuites n’ont pas reparu dans les paroisses du gouvernement des Trois-Rivières, mais ils ont conservé leurs seigneuries et, durant cent trente ans, ils en ont retiré les revenus. Ces seigneuries (et la traite !) cause de tous les désaccords survenus entre eux et les Trifluviens, embrassaient les meilleures terres de la ville et de son voisinage. Les récollets demeurèrent plus d’un siècle curés de ces paroisses sans posséder de terres ; l’harmonie n’a cessé de régner entre eux et les habitants. Nous devons faire observer aussi que les argents payés aux jésuites par les censitaires ne profitaient point aux gens du district des Trois-Rivières. Ces pères avaient bien contracté l’obligation d’instruire la jeunesse et de s’occuper des choses de la religion ; mais ils ne fondèrent point d’école et se dispensèrent de fournir des prêtres à ces localités. Il en résulta que, après 1670, à mesure que les colons s’établirent dans ces paroisses, les cens et rentes et autres contributions, allèrent grossir le trésor de la résidence de Québec et servirent soit aux fins des missions étrangères, soit à l’entretien des ecclésiastiques appelés de France pour prendre la place qu’eût dû occuper le clergé national. On s’étonne, après cela, de l’indifférence des Canadiens lorsque les jésuites furent réduits (1763) à abandonner le pays ou à ne plus admettre de religieux dans leurs rangs !

Vers le milieu de septembre (1671), sinon plus tard, arrivèrent de France à Québec quatre pères récollets et un frère laïque. « Le père supérieur étendit les effets de son zèle en quantité d’endroits du pays habité. Il prit lui-même pour district cinq villages du voisinage de Québec. On commença l’établissement du tiers-ordre de Saint-François. »

Se voyant à la tête d’un personnel assez nombreux, le père de la Ribourde songea aux missions sauvages qui avaient été abandonnées, mais qu’il était, pensait-il, urgent de reprendre. Quoiqu’il protestât de son désir de ne se mêler aucunement des postes où étaient les missionnaires jésuites, il ne put rien obtenir et remit à plus tard l’envoi de ses frères dans ces régions éloignées.