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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

la guerre se déclarait contre les Iroquois. M. de Denonville appelait les milices et mobilisait le peu de troupes qui se trouvaient à sa disposition. Nicolas Perrot, à la tête des Outaouais, se présenta à Michillimakinac. Henry de Tonty, laissant chez les Illinois, le sieur de Bellefontaine pour y commander, parut au Détroit (19 mai 1687) avec quatre-vingts de ses sauvages, et y trouva son cousin Du Luth qui rassemblait les guerriers du voisinage du fort pour marcher contre les Iroquois. Les sieurs Tilly de Beauvais et de la Forest amenèrent bientôt leurs contingents, et enfin Perrot et de la Durantaye arrivant de Michillimakinac, entraînèrent cette petite armée, forte de quinze cents hommes, selon le rapport anglais, ou seulement de quatre cents d’après M. de Denonville, vers la rivière aux Sables (lac Ontario) où le gouverneur-général avait réuni les milices canadiennes et les troupes régulières. En descendant le lac Érié, la Durantaye captura trente autres Anglais, placés sous les ordres d’un nommé McGregory et auxquels Lafontaine et Marion, interprètes français, servaient de guides. Le résultat de la campagne vigoureuse dirigée contre les Iroquois fut tel que, l’année suivante (1688), on jugea qu’il n’était plus nécessaire d’entretenir un fort au Détroit ; on en retira la garnison, probablement aussi le poste de traite.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que les Canadiens-Français ont formé des groupes de population, fondé des villages et des villes sur le territoire des États-Unis. Depuis deux siècles, nos familles ont commencé à laisser le Bas-Canada pour s’établir dans les colonies voisines. Qui se serait imaginé d’aller découvrir dans le premier habitant du site où est maintenant Harrisburg, la capitale de la Pennsylvanie, un Canadien-Français ! Pierre Bisaillon fut ce pionnier. D’autres le suivirent promptement. William Penn, fondateur de la Pennsylvanie, avait jeté les yeux sur les Canadiens et cherchait à s’en faire des amis. Une curieuse lettre de lui (21 juin 1682) adressée à Frontenac, invoque la nécessité de vivre en bons voisins, tel que doivent faire des chrétiens et des hommes libres ; il offre des marchandises à bas prix ; la guerre lui répugne ; il dit avoir avec lui « un peuple modeste, juste et honnête. » M. de la Barre ayant remplacé cette année M. de Frontenac, la politique que ce dernier avait suivie à l’égard de la traite fut généralement abandonnée, et des difficultés survenant avec les Anglais de ce que l’on appela plus tard l’État de New-York, aussi bien que entre le Maine et l’Acadie, il ne fut pas donné suite aux offres de Penn. Une bonne partie de nos coureurs de bois trafiquaient sans permission avec les Anglais et y trouvaient plus de bénéfice que parmi les Français. La lettre de Penn, qui ne fut peut-être qu’une circulaire destinée à allécher ces aventuriers, ne pouvait mieux tomber qu’en ce moment ; tout nous porte à croire qu’elle produisit un effet considérable.