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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

orateurs instruits, et des polémistes adroits, et des défenseurs savants qui feraient bonne figure à côté des auteurs de 1884.

Plus le temps marche, plus le pays se peuple, plus nous croyons avoir tout créé. Bien des choses existaient avant nous ! Ceux qui ont connu les hommes de 1830 se rappellent les récits qu’ils faisaient de leurs travaux et du mouvement littéraire de leur génération. Il sera difficile aux écrivains de 1884 de se prévaloir plus tard d’aussi recommandables souvenirs. Au premier moment d’examen, nous sommes disposés à croire que les vieillards surfont leurs mérites, mais dans le cas qui nous occupe, il suffit de lire les anciennes publications — livres, revues, brochures, journaux — pour reconnaître la valeur des faits mentionnés par ces excellents grands pères. Nous avons vu sourire MM. L.-J. Papineau, Étienne Parent, et plusieurs autres en entendant parler les « jeunes » qui se targuaient d’être les premiers par rang de date dans la littérature canadienne. En 1830, il y avait plus de feu et plus de travail dans l’âme de la jeunesse qu’il n’y en a même aujourd’hui.

Le style léger n’avait pas encore envahi la France. Nous qui sommes des Français d’autrefois, nous n’avions pas songé à faire sautiller la phrase, excepté en vers. La prose d’alors, entrait dans l’esprit et s’y logeait commodément, avec calme, sans luxe de forme. Si vous mettez sous les yeux du lecteur d’à présent les revues de M. Bibaud, la critique y découvre de suite des raideurs, des allures qui sont étranges, c’est vrai — mais que de bon sens et que de science dans ces travaux comparés à nos pénibles efforts ! En France même, on ne faisait pas mieux. Libre à quiconque est « né artiste, » de croire que rien ne vaut dans notre passé littéraire ; autre chose est de juger pièces en main et par comparaison. C’est la marche que nous avons suivie — nous, l’un des jeunes présomptueux de 1860 — et cette page est le résultat de nos observations.

N’oublions pas ce qui s’est fait avant nous. Soyons des continuateurs intelligents — cela suffit — c’est autant que nos ressources ne permettent.