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CHAPITRE XIII

1857 — 1866


Abolition de la tenure seigneuriale. — Le code civil. — La décentralisation judiciaire. — Les partis politiques. — Hommes publics. — Députés Canadiens-Français, de 1841 à 1866. — Les Canadiens-Français colonisent. — Le mouvement littéraire. — La langue des Canadiens-Français.


L

’abolition de la tenure seigneuriale est une œuvre immense qui s’est accomplie avec un calme parfait, au lieu de provoquer une révolution, comme on le prédisait. Les Canadiens-Français s’y trouvaient presque les seuls intéressés. Le débat a pris ce caractère particulier qu’il a suivi la marche des choses, à mesure que l’application des premières idées adoptées par les chambres a démontré que l’on avait plus ou moins bien saisi la question. Une première loi en 1845, ouvrit la porte à la réforme de quelques vieux abus ; un bill très élaboré, en 1854, créa la cour spéciale qui devait rendre jugement après avoir examiné certains cas à la lumière d’un principe posé par le législateur ; enfin, en 1859, un troisième acte compléta les deux premiers et les travaux de la commission furent poursuivis jusqu’à 1862 avec un plein succès. C’est donc graduellement que s’est opéré le rachat des droits des seigneurs. Trois classes de privilèges existaient. Les uns, tels que ceux des cours d’eau non navigables, furent abolis sans indemnités, comme étant des abus dont souffraient sans raison les habitants. D’autres, les lods et ventes et la banalité par exemple, furent évalués en argent, d’après le rendement annuel et on dit à chaque seigneur : « voilà la proportion qui vous revient à titre de capital ; consentez à en recevoir la rente du gouvernement, à six pour cent, ou si mieux vous aimez nous vous donnerons la somme totale en paiement définitif. » Ce rachat coûta au trésor dix millions de piastres. Alors, les habitants n’eurent plus d’autres obligations à rencontrer vis-à-vis de leurs seigneurs que les cens et rentes, regardés de tout temps comme légitimes puisque le colon avait pris sa terre sans la payer. Un cadastre fut éta-