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CHAPITRE XIV

1867 — 1880


Fusion des provinces anglaises de l’Amérique du Nord. — L’avenir de la confédération. — Les Canadiens-Français.


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une idée n’est jamais neuve en politique. Il y a toujours un homme qui l’a émise cinquante ans ou un siècle avant vous. Ainsi le projet de confédérer les provinces anglaises de l’Amérique du nord existait en 1815 ; on le sent bien en lisant le livre de Bouchette. Lord Durham (1839) en dit un mot. En 1850 la ligue ou parti politique composé de conservateurs tories la posait comme fond de son programme. Le moment devait venir où l’étude de cette théorie rencontrerait partout la bonne volonté des hommes d’action. Les trois provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’île du Prince-Édouard avaient désigné une commission dans ce but, en 1864, lorsque les délégués des deux Canadas se rendirent chez eux et proposèrent de fondre ensemble les deux projets, de manière à exécuter en grand ce que l’on cherchait à faire en petit sur deux points éloignés l’un de l’autre. De prime abord, le projet souriait à chaque province, mais en même temps les groupes faibles, les minorités, craignaient d’y perdre pour leur compte particulier. L’Europe était pleine de ces théories d’agglomération ; là aussi les petits peuples tremblaient de se voir absorber. Chez nous, comme là-bas, les discussions roulèrent sur des questions d’intérêts secondaires comparés au plan général, que peu de personnes combattirent, tant celui-ci paraissait avantageux à la masse une fois réunie. Pour nous, Canadiens-Français, nous redoutions de voir s’amoindrir et peut-être disparaître notre nationalité. Déjà, avant 1860, plusieurs écrivains avaient fait l’observation que les groupes anglais de nos deux provinces variaient avec une étonnante facilité dans leurs sentiments politiques : tantôt conservateurs, tantôt réformistes, tandis que les habitants du Bas-Canada tenaient au même parti avec une persistance exem-