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HISTOIRE DES CANADIENS-FRANÇAIS

gion leur impose nombre de jeûnes, ils sont maigres et élancés… Pour ce qui est de la danse, les Canadiens sont de parfaits Français. Ils se rassemblent dans ce but presque tous les soirs… Les Canadiens des hautes classes sont très polis envers les étrangers. J’ai été invité chez M. Roberdeau et le repas était tout à la française. Malgré l’excellence des plats, mon estomac anglais ne put s’y faire, mais la dame de la maison me dit : « Vous ne faites que d’arriver : quand vous aurez été avec nous un certain temps, vous aimerez beaucoup notre cuisine… Si vous revenez, j’aurai du roast beef et du plumb pudding. » Et pour finir le dîner le maître de la maison lui dit « versez, et vive le roi d’Angleterre »… Les femmes sont vives et très obligeantes, mais les hommes n’entendent pas badinage ! Pour un rien ils vous répondent « je vais le dire au général Carleton », et, comme le gouverneur est ouvert à tous leurs caprices, il est continuellement interbolisé de leurs plaintes. Les seigneurs surtout l’obsèdent. Ceux-ci ne cessent de le tracasser… Aussi les Canadiens de la basse classe, sont-ils insolents envers les officiers qu’ils attaquent en toute rencontre. C’est à ce point que le général Carleton est accusé partout de les trop endurer. L’autre jour, un habitant ne s’est pas gêné le moins du monde de passer devant la carriole du frère du gouverneur, en traversant le fleuve, et l’a bel et bien accrochée en la brisant. Le colonel Carleton sortit son fouet et en donna une raclée à l’habitant, qui se contenta de dire « je m’en plaindrai au général Carleton » — Fort bien, je suis le frère du général, riposta l’officier « Ah si j’eusse su cela, c’eût été différent » et voilà ce que le colonel obtint pour consolation… D’après les précautions que prennent les Canadiens pour se garantir du froid, les Européens doivent penser que le climat de ce pays est insoutenable. On colle du papier sur les fentes des fenêtres et sur toutes les crevasses par où le moindre filet d’air peut pénétrer. Au lieu de feu dans la cheminée, on se sert de poêles de fer, ce que je regarde comme très malsain… C’est pourquoi le teint des Canadiens est si pâle… Mais l’habitude, qui est une seconde nature, fera que je m’y accoutumerai. Les Canadiens sont très sujets à la consomption. Le docteur Kennedy, attribue cette affection à l’usage des poêles que l’on chauffe à outrance… Bien que le climat soit très rigoureux, les habillements que l’on porte ici et ces fameux poêles, nous préservent de ces atteintes. On ne connaît pas les temps humides ni ces crudités de l’atmosphère si incommodes dans notre pays… Les maisons des habitants de la baie Saint-Paul sont presque toutes construites de bois et se composent pour la plupart de deux ou trois chambres dans l’une desquelles il y a un poêle de fonte chauffé au point qu’il communique sa chaleur au reste de l’appartement. Le toit est en planche. Les crevasses des murs extérieurs sont remplis de glaise et les bâtiments du dehors sont bardés de paille… La plupart des maisons d’habitant près de Montréal sont de pierre et ne renferment que trois ou quatre chambres. On y voit annexés des vergers… À Montréal (ville) les maisons sont en pierre, avec portes et contrevents de fer ou de tôle, ce qui leur donne un aspect assez triste… La fertilité du sol et le climat du Canada vous feraient croire que c’est une contrée des plus prospères, néanmoins les moyens de communications sont tellement limités, par suite de la difficulté des glaces, durant six mois de l’année, que tout ceci arrête le mouvement. Il en résulte que l’on ne saurait lutter avec les pays où de semblables obstacles n’existent pas. Ces misères sont à présent