Page:Swift - Gulliver, traduction Desfontaines, 1832.djvu/100

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câble à la proue ; et, levant les ancres, je me déshabillai, mis mon habit (avec ma couverture que j’avais apportée sous mon bras) sur le vaisseau, et, le tirant après moi, tantôt guéant, tantôt nageant, j’arrivai au port royal de Blefuscu, où le peuple m’avait attendu long-temps. On m’y fournit deux guides pour me conduire à la capitale, qui porte le même nom. Je les tins dans mes mains jusqu’à ce que je fusse arrivé à cent toises de la porte de la ville, et je les priai de donner avis de mon arrivée à un des secrétaires d’État, et de lui faire savoir que j’attendais les ordres de sa majesté. Je reçus réponse au bout d’une heure que sa majesté, avec toute la maison royale, venait pour me recevoir. Je m’avançai de cinquante toises : le roi et sa suite descendirent de leurs chevaux, et la reine, avec les dames, sortirent de leurs carrosses, et je n’aperçus pas qu’ils eussent peur de moi. Je me couchai à terre pour baiser les mains du roi et de la reine. Je dis à sa majesté que j’étais venu suivant ma promesse, et avec la permission de l’empereur mon maître, pour avoir l’honneur de voir un si puissant prince, et pour lui offrir tous les services qui dépendaient de moi, et qui ne seraient pas contraires à ce que je devais à mon souverain, mais sans parler de ma disgrâce.

Je n’ennuierai point le lecteur du détail de