Page:Swift - Instructions aux domestiques.djvu/18

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puter à l’état de sa santé, monte à cheval, court à Marley-Abbey, entre chez miss Vanhomrigh, lui jette, sans dire une parole, la lettre de Stella sur une table, et s’en retourne à Dublin.

Ce fut un arrêt de mort pour la pauvre infortunée. Elle ne survécut que quelques semaines à ce coup, et, avant de mourir, elle révoqua un testament qu’elle avait fait en faveur de Swift.

Que cette mort, difficile à prévoir, autorise à accuser Swift de brutalité ; mais au moins qu’elle le justifie d’avoir hésité à prendre un parti.

À cette terrible nouvelle, il disparut pendant deux mois, sans qu’on ait jamais su le lieu de sa retraite. De retour à Dublin, il reprit avec Stella ses habitudes de vie, et l’occasion d’embrasser la périlleuse défense de l’Irlande contre l’Angleterre, dans les Lettres du drapier, vint le relever de son accablement et lui offrir une glorieuse distraction.

En 1726, lorsqu’il était à Londres et après la publication de Gulliver, ayant eu avis que Stella était mourante, il se hâta de revenir à Dublin, où le peuple le reçut en triomphe, et où, chose plus douce à son cœur, il trouva en meilleure santé celle qu’il craignait de ne plus revoir. L’année suivante, en mars, Stella étant beaucoup mieux, il hasarda encore un voyage en Angleterre, mais pour en être rappelé par les mêmes appréhensions.

Cette fois, elles étaient fondées : Stella touchait à sa fin. Jusqu’au dernier moment, Swift ne quitta pas la chambre de la malade, lui prodiguant les soins les plus