Page:Swift - Instructions aux domestiques.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’est s’exposer à calomnier, quoique sans le vouloir.

Je n’ai pas cru devoir entraver mon récit de restrictions continuelles ; mais pour ne citer que cet exemple de l’incertitude des renseignements sur lesquels on s’appuie pour accuser Swift, on n’a pas même la preuve de son mariage avec Stella.

En présence donc de cette incertitude, ne serait-il pas prudent, à ceux qui veulent être justes, de tenir compte de toutes les causes de malveillance, et de ne pas être trop rigoureux envers un homme qui a donné tant de marques si rares, je ne dirai pas de talent, mais de vertu ? Quand il s’agit de juger un pareil caractère, ne nous arrêtons pas à la surface ; comprenons l’ironie dans l’action comme dans le langage ; ne calomnions pas les bourrus bienfaisants ; n’appelons plus misanthropes les Alcestes.

On a généralement de l’indulgence pour certains défauts des hommes de guerre : on leur pardonne la rudesse de leurs formes ; on n’exige pas des vertus d’anachorète de ceux qui nous ont défendus la lance au poing. Eh bien ! tout ecclésiastique qu’il était, et quoiqu’il eût refusé du roi Guillaume une compagnie de cavalerie, Swift était un homme de guerre. Sa plume était une épée, une épée qui mit à bas bien des ennemis, qui gagna bien des batailles, qui sauva son pays de l’asservissement.

Mais l’esprit de parti est implacable. Après un combat, on voit des ennemis s’accorder des trêves et même faire la paix : l’esprit de parti ne connaît ni paix ni trêve.

Il est vrai que les partis eux-mêmes meurent et que le génie est appelé à leur survivre. Mais Swift eut l’impru-