Page:Swift - Instructions aux domestiques.djvu/71

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minimes, à moins qu’on ne vous envoie porter un présent, ou que vous ne serviez le thé à la campagne ; mais on vous donne du Monsieur dans le voisinage, et parfois vous accrochez une fortune, peut-être la fille de votre maître ; et j’ai vu plusieurs de votre tribu avoir de bons commandements dans l’armée. En ville, vous avez un siège réservé à la comédie, où vous avez l’occasion de devenir bel esprit et critique ; vous n’avez aucun ennemi déclaré, excepté la populace, et la femme de chambre de Madame, qui sont portées à vous traiter de saute-ruisseau. J’ai une véritable vénération pour votre office, parce que j’eus jadis l’honneur de faire partie de votre corps que je quittai sottement pour m’avilir en acceptant un emploi dans la douane. Mais afin que vous, mes frères, vous puissiez mieux faire votre chemin, je vais vous donner mes instructions qui sont le fruit de beaucoup de réflexions et d’observations, ainsi que de sept années d’expérience.

Afin d’apprendre les secrets des autres maisons, racontez ceux de la vôtre ; vous deviendrez ainsi un favori au dedans et au dehors, et serez regardé comme une personne d’importance.

Ne soyez jamais vu dans la rue avec un panier ou un paquet à la main, et ne portez rien que ce que vous pouvez cacher dans votre poche ; autrement vous déshonorerez votre profession. Pour empêcher cela, ayez toujours un gamin pour porter vos paquets ; et si vous n’avez pas un liard, payez-le avec une bonne tranche de pain, ou un morceau de viande.