Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/133

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lité, et la plus contraire à l’usage et à l’expérience. Je n’entrerai pas non plus en discussion si quelqu’un entreprend de me montrer un poète de profession, en chair et en os, qui soit le moins du monde ce qui peut s’appeler justement lettré, ou qui soit plus mauvais poète pour cela, s’il n’en est meilleur, pour être si peu encombré d’érudition pédantesque. Il est vrai que le contraire était l’opinion de nos aïeux, que nous autres de ce siècle avons assez de foi pour accepter sans examen, telle qu’ils nous la donnent, mais sans avoir assez de sens pour reconnaître la grossièreté de leur erreur. Ainsi Horace nous dit :


Scribendi recte sapere est et principium et fons ;
Rem tibi Socraticæ poterunt ostendere chartæ.

Hor. de Art. poet. 309.


Mais voyez comme les têtes des hommes diffèrent ; quelques-uns, qui ne sont pas inférieurs en intelligence à ce poète (si vous les en voulez croire sur parole), ne voient aucune conséquence dans cette règle, et n’ont pas honte de se déclarer d’une opinion contraire. Beaucoup de gens ne passent-ils pas pour bien écrire, qui n’ont rien de ce principe ? Beaucoup de gens sont trop sensés pour être poètes, et d’autres trop poètes pour être sensés. Il ferait beau qu’un homme ne pût être poète à moins d’être philosophe, lorsqu’il est évident que quelques-uns des plus grands idiots de notre époque sont nos plus agréables virtuoses en ce genre ! et là-dessus j’en appelle au jugement et à l’observation du genre