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96 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE.

lité où l’on se trouvait alors de repousser les Russes, et, dans cette situation, la participation des puissances allemandes à cette œuvre était encore un avantage pour tous. Par quels flots de sang, au contraire, Frédéric le Grand n’avait-il pas payé la possession de la Silésie, et avec quelle résolution toute l’Europe ne s’était-elle pas opposée à l’avidité inquiète de Joseph II? Il était donc hors de doute que l’Angleterre se lèverait et tirerait l’épée dès que la France prendrait ouvertement possession de la Belgique. Les menaces de révolution qui s’étaient produites à Londres et à Amsterdam avaient amené Pitt à prendre ses premières mesures défensives le décret du 15 décembre força l’Angleterre a défendre le statu quo européen, dût-elle, pour cela, entreprendre une guerre offensive.

Tout ce qui peut rendre une violation du droit des gens sensible à une grande nation se trouvait ici réuni. En 1788, l’Angleterre avait garanti aux Hollandais la navigation exclusive de l’Escaut, et a la maison d’Orange sa situation politique en HoUande, de même en 1790 elle avait garanti à l’empereur la possession de la Belgique. Poussée par l’intérêt de sa propre conservation, elle avait combattu pendant des siècles pour empêcher que les Français ne s’établissent à Anvers et à Ostende. La prudence et la foi des traités, le passé et l’avenir, exigeaient donc impérieusement qu’elle laissât attaquer l’équilibre européen en Belgique moins que partout ailleurs. Elle pouvait tolérer une expédition guerrière de la France contre Bruxelles; en présence de l’érection d’une république belge, elle pouvait attendre la suite des événements; mais l’incorporation de la Belgique à la France devait appeler aux armes le gouvernement anglais. Cette éventualité était, à plusieurs points de vue, plus inquiétante pour l’Angleterre que l’occupation des pays du Danube par la Russie ne l’eût été pour la monarchie autrichienne.

Les ministres français ne se faisaient là-dessus aucune illusion. Pitt avait déclaré à plusieurs de leurs envoyés qu’il désirait vivement la paix; que, mettant de côté les formalités diplomatiques, et quoique l’Angleterre n’eût pas reconnu officiellement la République française, il était prêt à traiter avec le chargé d’affaires Chauvelin, et même avec tout agent secret muni des pouvoirs du gouvernement français; mais il avait ajouté que ce