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RÉSUMÉ GENERAL DE LA SH-UATMN. 7

se trouve avec une évidence effrayante dans la situation morale de la France, de la vieille France féodale et monarchique. On ne doit pas s’étonner que l’orage révolutionnaire ait fait tomber tout en ruines, car depuis plusieurs générations, tout était moralement appauvri et malade. L’exemple de la cour, depuis François I" jusqu’à Louis XV, avait fait couler la démoralisation dans toutes les veines des hautes classes de la société; en même temps, la classe moyenne se trouvait toujours de plus en plus exclue des droits, et, par conséquent, des progrès politiques, et la masse du peuple se voyait condamnée & jamais à la faim et à la misère. Cette situation peut, sans exagération, être comparée à celle du Bas-Empire c’était la même corruption des hautes classes, la même misère du peuple, méprisé de tous; mais avec cette différence qu’à Rome le peuple opprimé renonçait à la protection de l’État pour se jeter complètement dans les bras miséricordieux de l’Église, tandis qu’en France, conservant toujours le sentiment de l’honneur national, le peuple chercha son salut dans des luttes désespérées, engagées au sein même de l’État. Dans de telles circonstances, quelque élevée et pure que soit l’impulsion, les mouvements ne peuvent être que convulsifs et exagérés. Si l’on ne fait pas un crime au christianisme de ce que, à son appel, le peuple romain, déchu de son ancienne grandeur, négligea les-devoirs et les travaux de ce monde, la liberté ne doit pas non plus être condamnée parce que son nom a entraîné au crime et aja férocité le peuple démoralisé par Louis XV. En un mot, la Révolution française échoua, non parce que la destruction des anciennes institutions fut un tort, mais parce que la nation se trouvait dans un état complet de désorganisation morale au moment où elle entra dans le mouvement. C’est du régime féodal et non de sa chute que sont nés l’égoïsme, l’avidité, les violences et la cruauté, qui, des acclamations enthousiastes de la nuit du /) août, conduisirent aux terreurs des massacres de septembre. ·

A cette première-cause se rattache étroitement une erreur qui existait longtemps avant 1789 cette erreur, qui portait sur la nature même de la liberté, fut nuisible à la Révolution non par la faute du caractère national, mais parce qu’elle la mit en contradiction avec ce caractère même. On attribuait avec raison tous