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120 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

un principe reconnu que les czars avaient le droit de disposer de l’argent et des terres de leurs sujets pour subvenir aux frais de la guerre, et leur plus grande source de revenus n’était pas dans les impôts réguliers, mais dans les confiscations extraordinaires. « On voit avec plaisir à Moscou, disait l’ambassadeur anglais Fletcher, les intendants partir pauvres pour leurs provinces et revenir riches à la cour, parce qu’alors le czar leur prend la plus grande part de leur butin et le czar ne procède jamais autrement, car, au fond, tout lui appartient; il a le premier droit d’achat dans toutes les branches de commerce considérables, et il acheté et revend à des prix qu’il fixe lui-même ». De même que les sujets du czar ne possédaient que les droits qu’il voulait bien leur accorder, de même la législation n’avait d’autre sanction que sa volonté; du reste, tous les jugements se payaient publiquement. C’étaient, trait pour trait, les coutumes orientales, l’administration telle qu’elle se pratiquait dans l’ancienne Perse, la guerre comme on la faisait en Turquie, en un mot, la toute-puissance du calife maliométan.

Ce n’était pas le seul point de dissemblance qui existât entre les peuples germano-romains et la nation russe. Comme la politique, la religion de celle-ci se ressentait du contact de l’Asie. Si l’on recherche l’influence exercée par le culte sur la vie publique des peuples, on peut établir deux formes fondamentales dans les religions. Suivant l’une, la religion est uniquement la loi de Dieu donnée au monde, et l’Église, organe de cette volonté du Seigneur, est une puissance souveraine, qui possède des représentants visibles de son pouvoir, et qui est investie, comme toute autre puissance, du droit de juger et de punir. C’est ainsi que l’Orient comprend la religion; l’islamisme est pénétré de ce principe, sur lequel le judaïsme repose également, et, par ce dernier, quelques éléments s’en sont introduits dans l’Eglise chrétienne du moyen âge. L’autre forme voit dans la religion un lien intime qui attache la créature à son créateur, une profonde union entre l’intelligence humaine et la source dont elle émane, un flot divin d’amour et de miséricorde qui se répand sur les hommes pour étancher la soif de leur âme. D’un côté, la religion est un commandement, de l’autre, elle est un divin message; d’un côté, elle mène à la servitude, de l’autre,