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122 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

une affaire d’administration. Le despotisme regardait tout mouvement intellectuel comme suspect, et le jésuite Possevin déplorait amèrement le manque total d’instruction chez le peuple russe. t Quiconque chercherait à s’instruire, disait-il, se rendrait suspect et encourrait un châtiment. )) Le salut dépendait de l’attachement que l’on montrait à l’Église, et l’Église suivait avec une aveugle soumission non les ordres d’un prêtre mais ceux d’un soldat. Le patriarche régnait sur l’Église, mais le czar la gouvernait.

Lorsque le souverain réunit les droits du chef d’armée à ceux du grand-prêtre, toute liberté personnelle devientimpossible. La propriété privée,dans le sens allemand ou romain de ce mot, n’existait qu’en apparence en Russie. Un Anglais faisait au xvf siècle cette remarque « L’homme du peuple, chez nous, dit de sa maison Elle est à Dieu et à moi le Russe, même le plus noble, dit Elle est à Dieu et au czar. » Et ce n’était pas là une locution banale, c’était l’expression parfaite de la vérité. c Car bien qu’il y ait, dit Fletcher, une différence légale entre des fiefs révocables et des biens héréditaires, c’est-à-dire entre les biens donnés en usufruit par le czar et ceux qui sont transmis de père en fils, ces derniers astreignaient également leurs propriétaires au service de l’État et de l’armée, et pouvaient être confisqués au moindre mécontentement du czar. Les choses, d’ailleurs, en étaient arrivées à ce point que tout possesseur de terres héréditaires, s’il voulait jouir en paix de ses richesses, devait se rendre acquéreur de fiefs. Tous dépendaient donc du czar à un degré presque égal; en réalité, le souverain était ]e seul propriétaire de son empire, qu’il s’agît des biens ou des individus.

Cette absence de propriété solidement établie se faisait sentir plus profondément encore, mais d’une manière toute particulière, chez les paysans. Sous l’influence d’une constitution qui étouuait tout sentiment du droit individuel, la situation légale du cultivateur était exactement la même en Russie que celle que César avait constatée chez les Germains près de deux mille ans auparavant. Le champ n’appartenait pas à un individu, mais à la commune, qui le partageait sans cesse entre de nouveaux membres pour un certain espace de temps (1). Il s’y ajoutait même (1) n~xthausenj ~Mf/ef sur la Russie.