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~24 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

ment, et procurait ainsi au gouvernement des instruments utiles pour les guerres auxquelles le poussaient sans relâche ses idées de conquête. En se prolongeant pendant des siècles, cette situation a eu en Russie des conséquences telles que nous n’en trouvons nulle part ailleurs dans l’histoire. On sait que, de nos jours encore, des masses immenses de peuple errent incessamment dans ce vaste empire, qu’il n’y existe pas un seul dialecte de province, que le Russe, enfin, a bien le sentiment national, mais non l’amour du sol natal (1). Pouvait-il exister des éléments plus propices au mouvement guerrier? Aussi les Moscovites, à peine échappés au joug des Tatares, devinrent-ils la terreur de tous leurs voisins. « Le czar, s’écriait un jour un prince valaque, tout en dormant tranquille dans son palais, recule sans cesse les bornes de son empire. »

Si parfois la paix se faisait pour quelques instants avec les États occidentaux, les soldats étaient mis en campagne contre les Tatares, et les Cosaques prenaient possession des terres immenses de la Sibérie. La paix n’était jamais autre chose qu’une trêve, chaque conquête n’était qu’une étape qui servait à préparer une conquête nouvelle.

Cette situation matérielle ne s’accordait que trop bien avec les idées qui dominaient dans l’empire au sujet de la religion et du droit. Là où l’Église et le gouvernement ne font qu’un, l’État opère les conversions les armes à la main, ou, pour mieux dire, chaque guerre entreprise par l’État intéresse en même temps l’Église et devient une affaire de foi. Le czar orthodoxe et la sainte Russie remplissaient un devoir pieux en dirigeant leurs armes contre ceux qu’ils ne considéraient que comme des impies ou des païens. Animés d’une semblable ardeur, les Arabes jadis avait suivi Mahomet à la conquête du monde, et les peuples chrétiens, à la voix des papes, avaient marché à la croisade. Une puissance qui repose sur ce principe ne peut être fidèle à la paix jurée, car elle ne reconnaît aucun droit à des voisins qui ne sont pour elle que des mécréants. Elle peut, si les circonstances l’exigent, suspendre pendant quelque temps ses opérations militaires; mais déposer les armes serait (1) Haxthausen.