Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

170 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

un accueil hospitalier, les uns à Vienne, les autres à Dresde, recevaient de toutes parts les plaintes du pays. Quand bien même ils n’eussent pas brûlé du désir de délivrer leur patrie, les cris de douleur et de colère qui retentissaient sans cesse à leurs oreilles eussent sufïi pour les mettre en mouvement. Les paysans, dans leur rudesse et leur esclavage, ne savaient certainement pas ce que signifiaient les mots d’État polonais, et n’avaient pas la moindre étincelle de sentiment national; mais la faim, les mauvais traitements, tous les malheurs de la guerre, les accablaient. Dans les villes, à Varsovie surtout, la haine des partis se montrait dans toute son amertume. Pas un patriote ne se serait assis à la même table qu’un membre de la confédération de Targowice; sous les yeux même de la garnison russe, les Targowiciens subissaient le poids écrasant du mépris public. Les femmes, dont l’influence a toujours été grande en Pologne, leur tournaient le dos et demandaient aux officiers russes comment ils avaient pu marcher pour une telle canaille. Les Russes, pénétrés du sentiment de leur supériorité, se contentaient de rire, et se sentaient dédommagés par les progrès que faisait leur influence, à la faveur même des troubles de la nation polonaise. H y avait une foule de personnes qui, habituées dès leur enfance à la politique des Russes, préféraient encore la domination de ces derniers au gouvernement détesté des Targowiciens; nousverrons malheureusement bientôt avec quelle violence et quelle rapidité ce sentiment amena la démoralisation générale de la Pologne. Dans de telles circonstances, il était facile de susciter de toutes parts des conspirations. Dés le mois de décembre, il s’était formé dans presque toutes les villes du royaume des sociétés secrètes en faveur de la délivrance de la patrie; mais ces sociétés étaient trop indépendantes les unes des autres et organisées d’une manière trop différente pour pouvoir s’entendre sur les mesures à prendre. La police, d’ailleurs, fut promptement sur leurs traces; la Généralité et les Russes prirent toutes leurs précautions, et envoyèrent à Saint-Pétersbourg des rapports de plus en plus effrayants. Cependant, ils ne parvinrent à faire aucune découverte positive. Enfin, un gentilhomme lithuanien, nommé Jasinski, qui était un des plus ardents d’entre les conspirateurs, r.éussit, en face même de l’ennemi, à mettre ces diverses asso-