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PARTAGE DE LA POLOGNE. L’EXECUTION. 191

C’était chose presque inouïe depuis un siècle qu’une tentative de résistance eût eu lieu de la part des paysans dans aucune des nombreuses dissensions par lesquelles la noblesse avait maintes fois ébranlé la nation polonaise, il ne s’était produit le moindre mouvement politique parmi le peuple (i). Ce même abrutissement se manifestait aujourd’hui qu’il s’agissait de l’existence du royaume. Où ces hommes auraient-ils pu puiser le sentiment national et l’amour de la patrie? Ils étaient ignorants des affaires de l’État et s’inquiétaient peu de savoir qui les gouvernait, car tous les gouvernements, quels qu’ils fussent, ne leur apportaient que corvées et mauvais traitements. Il devait donc leur être complétement indifférent que leurs seigneurs obéissent a une république polonaise, à une czarine russe ou à un roi allemand. Peut-être même eussent-ils désiré appartenir au dernier, si, au fond de leurs huttes, ils avaient pu savoir que leurs compatriotes de la Prusse orientale et de la Galicie étaient traités en hommes, quoique fort rigoureusement encore. Lorsque l’on réfléchit bien à cette situation, on ose à peine dire encore que la chute de la nation polonaise a été le résultat des partages. Ce qui fut anéanti par 1793, ce fut le pouvoir inhumain exercé par quelques gentilshommes sur le peuple polonais quant à ce peuple, il ne fit que changer de maîtres, et ce changement, qui pouvait, de la-part de la Russie, lui amener autant de bien que de mal, fut accueilli par lui avec une complète Indifférence.

Il n’y avait pour ainsi dire pas de tiers-état en Pologne. Outre Varsovie, il existait bien quelques villes libres ou royales, mais elles étaient si mal administrées, que la bourgeoisie y faisait de très-faibles progrès; aucun règlement, par exemple, n’était établi, soit pour la police, soit pour la propreté et la salubrité publiques, soit pour les cas d’incendie, et ce n’était que depuis trente ans qu’il existait dans le pays des tribunaux devant lesquels les bourgeois pussent porter leurs plaintes contre les gentilshommes. La plupart des autres villes se trouvaient dans une situation plus malheureuse encore, car si elles étaient bâties x brutes, 1 "bould injure tbe quadruncd création. H Z~o/’C/M/MMon~, de Hardy cité par lord Mabmt, /Mo!T/ o/’J?/aM~, 1714-1783, VI, 55.

(1) U faut en excepter les deux révoltes de paysans grecs, qui avaient été fomentées par la Russie en 1768 et 1769.