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206 DEUXIÈME PARTAGE DE LA POLOGNE.

louables. Il adhéra au traité de Saint-Pétersbourg, tout en se rendant compte du danger résultantduvoisinagedesRusses et de leur prépondérance et quoiqu’une aversion mutuelle existât entre lui et Catherine, mais sans songer le moins du monde aux embarras inévitables que la chute de la Pologne susciterait aussitôt à la Prusse de la part de la Russie. Ce qui surtout, ’autant que j’en puis juger, l’empêcha pour le moment d’apercevoir les dangers de la route sur laquelle il s’était engagé fut son zèle ardent contre laRévolution. Catherine, en manifestant les mêmes sentiments par des ordonnances de police, des proclamations, des prières publiques, enfin par tout ce qui n’était pas s’ecours de troupes, réussit pendant longtemps à entretenir chez le roi une ferme confiance en son désintéressement et en sa loyauté. Ici, comme toujours, une première faute mena plus loin. Le pays que baignent la Vistule, le Bug et la Nareve forme, d’après la situation géographique et politique de l’Europe centrale, ainsi que d’après l’expérience fournie depuis des siècles par l’histoire, une des positions d’attaque les plus importantes; cette position, au pouvoir d’une main puissante, peut lui servir à étendre au loin de tous côtés sa domination et sa suprématie. Tels sont, à l’ouest de l’Europe, les Alpes et les Pays-Bas, à l’est, les contrées baignées par le bas-Danube. Le sort de ces pays est partout le même les grandes nations luttent pendant des siècles pour s’en emparer, jusqu’à ce que, grâce au besoin de paix et de civilisation, on les confie à des possesseurs neutres et inoffensifs, sous la protection de toutes les grandes puissances. A ce point de vue, le seul auquel puisse conduire une juste appréciation des intérêts de l’Allemagne et de l’Europe, le désir de restreindre la puissance de la Pologne, laquelle avait conquis jadis toutes les provinces russes jusqu’au Dniéper, et s’était étendue mainte fois de la Galicie jusqu’à la Hongrie et la Bohême, et de la Grande-Pologne jusqu’à la Prusse orientale et occidentale, ce désir, disons-nous, était pleinement justifié de la part des puissances limitrophes. Mais il n’en était pas de même d’un acte qui devait aboutir à l’anéantissement complet de la Pologne. Cet acte, la Russie seule pouvait en profiter, car, de toutes les nations, elle était la plus puissante et la plus agressive les faits l’ont constamment prouvé depuis 1793. Ce fut malgré