Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

20 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE.

aussi d’avis que, tant que la Constitution n’était pas achevée, il ne fallait tolérer sur le sol français ni troupes indisciplinées ni généraux ambitieux (1). Tous aspiraient donc à porter l’attaque au-delà des frontières de la France.

Les différents partis approuvaient à l’envi ce système les meneurs de la Gironde, quelque conservateurs qu’ils fussent devenus à l’intérieur, rêvaient le bouleversement du monde, la chute de tous les tyrans, l’aurore d’un nouvel âge d’or pour les peuples. « Il faut rompre une fois pour toutes avec tous ces cabinets », disait Brissot (2). Ils comptaient alors sérieusement sur la sympathie des peuples, et se livraient à l’espérance de voir partout, à la simple apparition des armées françaises, les nations chasser leurs oppresseurs et conclure une alliance fraternelle avec leurs libérateurs. Le côté fiscal des plans ministériels s’accordait assez mal avec ces images séduisantes; aussi Oaviére, qui se souciait beaucoup moins de la liberté que de l’argent des Belges, se sépara-t-il alors complètement de ses anciens amis (3) cependant cette divergence d’opinions ne pouvait se faire sentir qu’après la victoire, et les Girondins voulaient le combat et l’attaque tout aussi chaleureusement que les ministériels.

Les Jacobins avaient encore moins de raisons à alléguer contre la guerre. Depuis la rupture de Robespierre et de Brissot, ils ne la désiraient pourtant pas précisément le club entretenait d’autres espérances que celle des combats .et des victoires; mais il n’avait pu échapper à l’enthousiasme excité par les succès de Valmy et de Mayence, et la chute de tous les tyrans de l’Europe était demandée avec autant de violence parles montagnards que par les Girondins. Robespierre, sans doute, blâmait souvent l’ardeur insensée et coupable avec laquelle les ministres cherchaient a rendre la guerre interminable mais il eût dénoncé avec une égale aigreur, comme une trahison, toute démarche tentée en faveur de la paix. La différence qui existait entre lui et (1) Dumouriez, III, 2M.

(2) ~B~mme d’État reproduit une lettre souvent citée de Brissot à Dumouriez, dans laquelle toutes ces opinions sont développées en détails. Cette lettre répond complètement aux idées de Brissot; cependant son authenticité me paraît très-contestable. La Gironde haïssait Dumouriez; Gensonné seul correspondit avec lui jusqu’au milieu de décembre mais alors il lui retira également son amitié. (3) Dumouriez, Itl, 357.