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258 SUSPENSION DE LA GUERRE DE LA COALITION.

grossir dans la même proportion et menacer en même temps de rompre leurs digues et d’envahir l’Europe centrale, on reconnaît aussitôt que cette coïncidence n’est pas l’effet d’un simple hasard. Au moment même où l’opinion publique proclame partout le principe de la liberté individuelle, qui implique l’indépendance de la pensée et l’inviolabilité de la propriété, ces deux puissances marchent à la domination du monde entier en comprimant sous une dictature de fer les forces, les pensées, les vœux, le génie et les biens de leurs peuples. Certainement l’Europe était forte encore et aurait pu leur résister; mais, pour cela, il eût fallu qu’elle comprît toute l’étendue du danger et que ses chefs restassent unis entre eux. Au contraire, tous se divisèrent, et chacune de leurs fautes équivalut à un succès pour leurs adversaires. De mois en mois la liberté perdit du terrain, jusqu’au jour où les deux torrents se rejoignirent et où les forces de la France et de la Russie se rencontrèrent, après avoir submergé l’Europe tout entière.

Nous avons vu ce qui avait empêché les démocrates parisiens de prendre en main les rênes du gouvernement aussitôt après l’exécution de Louis XVI. Comme, en réalité cependant, c’étaient eux qui possédaient la force, comme, à la Convention, la majorité du centre flottait indécise entre les deux partis, et que le fantôme qui portait le nom de ministère était impuissant, divisé et sans ligne de conduite, il n’y avait plus rien en France qui méritât le nom de gouvernement ce pays était livré à l’inertie des masses, ou exposé à devenir la proie du premier audacieux qui voudrait s’en emparer. Après ]a mort de Louis XVI, les Girondins crurent que la Convention allait enfin s’occuper de sa tâche réelle, la rédaction de la constitution, sur laquelle ils comptaient pour rétablir leur puissance. Ils possédaient la majorité dans le comité chargé de cette rédaction, ce qui permit à Condorcet, dès le 15 février, de proposer un projet dont tous les articles représentaient les idées de 179~ pousséesjusqu’à leurs dernières conséquences liberté pour tous les États, liberté pour tous les individus, liberté pour tout genre de travail et de propriété, nomination de tous les fonctionnaires et employés subalternes par le suffrage universel, ’dans des circonscriptions é!ectora)es aussi restreintes que possible, élection des ministres par le peuple tout entier, garantie de