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288 SUSPENSION DE LA GUERRE DE LA COALITION.

mascarades de Darmstadt. Depuis l’avénement de Thugut aux affaires, Manstein avait trouvé un rival auprès du roi dans Lucchesini, lequel, ainsi que nous l’avons vu, avait toujours été opposé à Haugwitz au sujet des négociations de Vienne, dont il prédisait l’inutilité et le danger. Comme les événements avaient prouvé la justesse de ces prévisions, Lucchesini était fort en faveur, et le roi frémissait d’indignation chaque fois qu’il était question de l’échange de la Bavière. Lucchesini avait une instruction variée, une grande expérience de la vie et beaucoup de savoir faire; il était, en un mot, aussi supérieur sur tous ces points au sombre et borné Manstein qu’aux lenteurs et aux mesquineries du duc de Brunswick. Le roi trouvait en lui un complaisant toujours prêt à lui épargner l’odieuse nécessité de réfléchir et de décider, et qui exerçait avec joie l’art vil mais important d’épier et de mettre à profit les passions et les faiblesses de son maître. C’est par là que Lucchesini avait su se rendre utile à Darmstadt aussi bien qu’à Francfort, et qu’il avait réussi à s’emparer de l’esprit du roi. Ces circonstances, à peine remarquées au dehors, furent cependant d’une grande importance pour l’Europe tout entière. Dans ce moment, décisif pour l’avenir de l’Allemagne, tandis que Thugut, l’ennemi déclaré de la Prusse, gouvernait l’Autriche, le plus habile des adversaires de l’Autriche parvint aussi à rendre son influence prépondérante en Prusse. Chacune de ces deux puissances se trouvait donc dirigée par un homme qui n’avait d’autre mobile que l’intérêt personnel ou les avantages’ immédiats, et qui ne se préoccupait en rien des intérêts nationaux de l’empire allemand.

Pour compléter le tableau que présentait alors la guerre de la coalition, nous devons encore mentionner que, dans les Pays-Bas, le prince de Cobourg, immédiatement après la chute de Dumouriez, avait bloqué la première des places françaises, la petite ville de Coudé, puis avait envoyé une partie de ses troupes contre Lille et le Quesnoy, et surveillait lui-même, avec un faible corps de’ onze bataillons, les débris de l’armée française. Il n’avait en vue qu’une guerre de siège tout le long de la frontière; cependant il se serait peut-être laissé entraîner plus loin, comme après la prise d’Aix-la-Chapelle, s’il n’avait été arrêté par l’insuffisance de ses ressources militaires. Indépendamment