Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

296 SUSPENSION DE LA GUERRE DE LA COALITION.

Lebrun’et les Girondins avaient déjà eu cette pensée; mais, comme elle faisait partie de leur système de propagande universelle, aucune suite n’y avait été donnée. Cette fois, Desportes appuyait sa motion sur un intérêt politique bien calculé. Tout en conservant à la ville de Mayence l’indépendance républicaine que la France lui avait promise, il proposait de céder les États ecclésiastiques aux princes les plus puissants de l’Allemagne, afin de les gagner et de les amener à conclure une alliance avec la Convention. L’électoral de Mayence et une partie de celui de Trèves devaient échoir à la Bavière, qui arrondirait par là ses possessions sur le Rhin, et’, en échange, mettrait volontiers à la disposition des Français les provinces éloignées de Juliers et de Berg. Ces deux duchés, réunis au reste de l’électorat de Trèves et a tout celui de Cologne, devaient être offerts à la Prusse, qui depuis longtemps jetait de ce côté des regards de convoitise, et Desportes ne doutait pas que, par là, on ne parvînt à obtenir au moins la neutralité des armes prussiennes. Il était certain alors que la France aurait. pu sans danger réunir toutes ses forces pour’ conquérir la Belgique sur les Autrichiens.

Ce qui caractérisait ce plan n’était pas, on le voit, l’ancienne inimitié de la Révolution contre les États ecclésiastiques la sécularisation n’avait en vue que l’intérêt même de l’Allemagne. C’était le germe des autres plans qui, dix-huit ans plus tard, donnèrent naissance à la constitution moderne de l’empire allemand, avec cette immense différence en faveur de l’Allemagne que, d’après le projet de 1793, les riches territoires de la rive gauche du Rhin devaient être donnés, non à des étrangers, mais à des princes allemands. Ce projet était conforme également aux idées de l’empereur Charles VII, qui, cinquante ans auparavant, avait déjà proposé la sécularisation en faveur de la Prusse et de la Bavière, sans distinction de confession entre les États catholiques ou protestants. On voit donc que le plan de Desportes avait, dans toute l’acception du mot, une base historique en Allemagne; en effet, abstraction faite des parties intéressées et de la politique autrichienne, on pensait depuis longtemps dans l’empire que la réunion du pouvoir séculier au pouvoir épiscopal était aussi préjudicable à l’Église qu’à l’État. On s’inquiétait peu; au xvnF siècle,