Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

RUMURË DE LA COAUTtON. 385

DESTBEL. M.–25 1

et lui donnera un majordome, lequel, sous le titre d’ambassadeur russe, sera plus puissant que ne le furent jamais les vice-rois d’Irlande et de Sicile, votre gouverneur général de Nowogorod ou celui de Twer~. Ainsi, tandis que l’Europe chancelait de toutes parts, ébranlée par la Révolution et la guerre, la Russie, après de longues et secrètes préparations, établissait sa prépondérance, étendait ses conquêtes sur tout le pays situé entre les monts Karpathes et la mer Baltique, et, pour la seconde fois dans la même année, prenait librement possession, par un seul trait de plume, de plus de trois mille lieues carrées. Les cours de, Vienne et de Berlin comprenaient tous les dangers dont les menaçait ce développement colossal d’une puissance militaire, mais leur haine mutuelle et les préoccupations que. leur causait la France ne leur permettaient pas de les conjurer. Cette politique conquérante, inouïe jusque-là, eut pour unique effet de leur inspirer le désir toujours plus vif de sortir promptement des embarras que leur suscitait la guerre de France.

Le traité proposé par Sievers fut, comme on le pense bien, adopté à Grodno sans autre difïiculté que quelques discussions sur la rédaction des articles, destinées seulement à sauver les apparences. Lorsqu’il fut signé, le 16 octobre, le député Jankowski se leva pour faire remarquer que cette soi-disant alliance était en réalité un acte de dépendance absolue mais le roi Stanislas lui ferma la bouche en lui objectant avec raison que toute tentative de résistance ne ferait qu’augmenter le mal, et Bilinski, maréchal de la diète, déclara au nom du gouvernement polonais que le nouveau traité assurerait incontestablement le bonheur de la Pologne. Pendant ce temps, Catherine réunissait dans l’Ukraine tous les régiments polonais épars dans les provinces cédées et les renforçait par de nombreuses troupes russes. C’était annoncer (1) qu’elle songeait à attacher une nouvelle gloire à son régne, en accomplissant ses projets sur la Turquie et en renversant en Europe la puissance ottomane.

(1) Les dépêches d’Hogguer à cette époque ne parlent pas d’autre chose.