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GOUVERNEMENT PROVISOIRE. 387

Il s’agissait maintenant de conserver la puissance acquise par la lutte et de la transformer en’ un gouvernement durable et régulier, tâche qui offrait aux Jacobins des dimcultés particulières, suscitées non par la population, mais parla situation des nouveaux gouvernants eux-mêmes. Bien que ceux-ci eussent dû à l’armée leur dernière victoire sur les provinces révoltées, il était évident que ce n’était pas sur l’armée qu’ils pouvaient s’appuyer pour établir les véritables bases de leur autorité. Un vrai soldat ne méprise rien autant que les intrigues des clubs; comment donc aurait-on pu espérer trouver dans les troupes des instruments dociles? Robespierre, les membres de la Commune et le ministre de la guerre comprenaient cette situation; c’est ce qui explique la légèreté apparente avec laquelle ils désorganisèrent les armées en vue même de l’ennemi. Ils pouvaient bien compter sur elles pour protéger les frontières ou pour réprimer une rébellion isolée, mais, s’ils voulaient un appui durable, il fallait qu’ils le cherchassent dans d’autres forces.

Ces forces existaient déjà, ou du moins étaient suffisamment préparées sur tous les points par l’importance que l’on avait donnée depuis quelques années à la populace. Chaque ville, chaque village presque avait son club, lié étroitement avec le club des Jacobins de la capitale, et où les démocrates, les petits ouvriers les paysans, les manœuvres, se trouvaient réunis à des aventuriers ambitieux et à des vagabonds avides de pillage. C’était par ces clubs qu’étaient élus les-différents fonctionnaires quand toutefois les commissaires de la Convention permettaient encore des élections c’était dans leur sein qu’étaient pris les membres des comités révolutionnaires, ce qui leur permettait d’exercer sur les citoyens une police arbitraire, et leurs membres, depuis le désarmement des suspects, composaient presque exclusivement les gardes nationales. Avec de tels moyens, avec le tribunal révolutionnaire, avec la guillotine qui se dressait au fond du tableau, avec l’armée enfin, comme dernière ressource en cas de besoin, on pouvait pendant longtemps tenir le pays sous le joug, sans redouter aucun danger de la part de la masse des opprimés.

Mais le danger se trouvait dans la nature même de cesmovens