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~50 RÈGNE DE LA TERREUR EN FRANCE.

qui, non content de répandre le sang, menait encore ouvertement la vie la plus dissolue, mit tout l’argent pris dans les églises à la disposition des théâtres, et extorqua des sommes considérables, sous le titre d’impôts révolutionnaires, trois négociants seuls durent lui payer plus de deux millions (1). Fouché, l’ami d’Hébert et de Collot, se montra encore plus dur dans les départements de la Nièvre et de l’Allier; il commença par former une armée révolutionnaire, puis il procéda à des suspensions et à des arrestations en masse, puis enfin il ordonna, sous les peines les plus sévères, que tout l’argent, les valeurs et les bijoux de la province lui fussent livrés, à l’exception des parures de femmes. En même temps, il déchaîna sa rage sur l’Église et les choses saintes, fit remplacer les croix des cimetières par des images du sommeil, emprisonna indistinctement tous les prêtres, et envoya à Paris, pendant le mois de novembre, pour plusieurs millions de dépouilles. Ses rapports, soutenus par de tels arguments, étaient accueillis avec acclamations par l’Assemblée. On n’osait pas encore ériger la réquisition de l’argent monnayé en principe de gouvernement (2) mais on rendit une loi qui déclarait passibles de confiscation toutes les valeurs cachées (3). Or, comme généralement chacun enferme son argent, ce décret donnait officiellement aux commissaires le pouvoir de s’emparer de toutes les caisses, et ils en firent usage sur une -vaste échelle. C’était encore beaucoup qu’ils forçassent les possesseurs de ces richesses à les échanger contre des assignats, ainsi que le firent, par exemple, Robespierre le jeune en Provence (/t), Lacoste et Baudot en Alsace; ces derniers recueillrent de cette manière, pendant les premiers mois de 179&, plus de vingt millions dans les départements du Haut et du Bas-Rhin. La terreur était si grande dans ce pays, que, de même qu’à Nevers et à Moulins, les citoyens livraient leurs dangereuses richesses avant même qu’on les leur denÏandât. Des investigateurs bien informés sont arrivés à évaluer que, dans l’espace de six mois, ces difTérentes exactions ont amené de 3 à &00 millions d’argent monnayé dans les caisses de l’État, (1) Rapport de Cambon, là décembre 179~.

(2) 23 novembre.

(3) 13 novembre.

(t) Voyez ses dépêches dans Bûchez, p. 35, A26 et suiv.