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EN PRÉPARANT SES LIGNES

Je suis toujours sur ma pointe de rocher, face aux eaux moutonnantes. Je recule de quelques pas pour ne pas effaroucher la grosse pièce qui, peut-être, se tient collée au bord ; je laisse tomber doucement mes mouches que le courant happe et fait tournoyer entre les cailloux, pendant que la main gauche qui contrôle la corde dévide ou retient au besoin.

Oh ! le petit frisson, le toc-toc d’un cœur ému, à la première belle prise de la saison !

Vous avez lancé en plein courant, là où le fretin saute hors de l’eau ; vous savez, le fretin saute quand la truite est en chasse, et c’est de bon augure ; vous faites danser vos mouches en frôlant les roches derrière lesquelles les truites se postent, le long des branches immergées sous lesquelles elles s’embusquent, et voilà que ça se décide.

D’un élan vif et sûr une première surgit, le temps de se retourner pour attraper votre appât qui file entre deux eaux. Puis c’est la petite lutte d’adresse pour tenir la corde bien tendue, sans brusquer ni tirer de trop, pour éviter les obstacles où la prisonnière veut emmêler votre ligne. Bientôt la corde se raidit moins fort, et vous ramenez doucement, avec des arrêts bien calculés pour vaincre