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EN PRÉPARANT SES LIGNES

à ces mêmes endroits, sans jamais rien prendre qu’une bouffée d’air pur et une rasade en souvenir d’un lointain exploit.

Le rêve allumant des désirs impatients, vous le verrez, lui qui à peine s’achète un mouchoir, fréquenter les magasins d’agrès de pêche, ramasser aux étalages des mouches diverses aux noms fantaisistes, accumuler dans un placard : dévidoirs perfectionnés, lignes de toutes les longueurs, culottes et habits impossibles, que le premier vendeur venu lui cédera pour le bon prix.

Que voulez-vous, autant flatte sa manie. Tous ces objets sont prétextes faciles pour égarer sa pensée vers de futurs et chers plaisirs.

Se préparer à la pêche c’est déjà pêcher un peu, et les brochées prodigieuses que l’on rapporte en imagination font oublier les nombreux paniers vides.

Croyez-moi ! Le plaisir éphémère et incertain du pêcheur pêchant ne vaudra jamais la douce impatience du pêcheur qui rêve de pêcher.

Mais c’est une consolation que le vrai pêcheur ne goûte qu’en saison close !