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en rien la possibilité des accidents fortuits d’autres genres, au contraire, elle en multiplie les dangers. Ce n’est pas le fait matériel toutefois dont on doit arguer, mais la manière dont il s’est produit. Dans la discipline d’un asile il y a des risques qu’il faut courir et des risques qu’on ne doit pas assumer. Ainsi de ce qu’un aliéné aurait commis un homicide avec une fourche dans les champs, on aurait tort d’en conclure qu’on doit interdire absolument aux aliénés l’usage des instruments capables de devenir dangereux et les travaux de la ferme ; mais si des blessures et des morts sont produites par des moyens disciplinaires qu’on peut remplacer, par d’autres moyens qui ne donnent point cause à ces accidents, le bon sens dit qu’il faut employer ces derniers moyens. Le vulgaire et les personnes étrangères à la science sont sujets à tirer des conclusions erronées, de ce qu’ils observent dans les asiles, et la malveillance exploite souvent cette disposition d’un certain public ; mais le médecin aliéniste doit rechercher les causes et observer les circonstances, avant d’adopter ou d’interdire, avant de louer ou de condamner des pratiques qui peuvent être recommandables en dépit des accidents, ou dangereuses alors même qu’on n’a pas eu, sur place, d’accidents à enregistrer.

Je vais citer un exemple de la versatilité de ce qu’on appelle l’opinion publique, qu’on invoque à bon et à mauvais escient, exemple qui démontre aussi combien sont importantes et combien difficiles ces mille questions, que soulèvent l’administration des institutions dont il s’agit et le traitement des aliénés. On avait autrefois établi, dans Ontario, une succursale, pour y loger un peu plus de soixante aliénés de la classe la plus paisible. L’édifice, construit pour un autre objet, qu’on avait affecté à cette destination était chauffé par des poêles et des feux de cheminées : on sait que l’une des dispositions dont on se vante en Angleterre et qui fait partie du système qu’on y préconise, comprend l’usage de feux de cheminées sans grillages protecteurs, les fameux open fires, qui, avec les open doors, forment partie des — « benefits arising from the removal of restrictions. » On crut donc devoir laisser subsister quelques-uns de ces open fires, vu le caractère paisible et rangé des malades qu’on devait loger dans cet asile. Les choses allèrent au mieux d’abord, et le public visiteur admirait l’usage de ces feux