Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/109

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d’avoir, à la honte du nom romain, traité avec un excès déconsidération, non les Athéniens (après tant de désastres il n’en restait plus), mais une populace, vil ramas de toutes les nations, qui fut l’alliée de Mithridate contre Sylla, d’Antoine contre Auguste." Il allait chercher aussi dans le passé leurs guerres malheureuses avec la Macédoine, les violences d’Athènes envers ses propres citoyens, et leur reprochait ces faits avec une animosité que redoublait encore un motif personnel, la ville lui refusant la grâce d’un certain Théophile, que l’Aréopage avait condamné comme faussaire. Ensuite, par une navigation rapide à travers les Cyclades, et en prenant les routes les plus courtes, il atteignit Germanicus à Rhodes. Celui-ci n’ignorait pas de quelles insultes il avait été l’objet ; mais telle était la générosité de son âme, que, voyant une tempête emporter sur des écueils le vaisseau de Pison, et pouvant laisser périr un ennemi dont la mort eût été attribuée au hasard, il envoya des galères à son secours et le sauva du danger. Loin d’être désarmé par ce bienfait, Pison contint à peine un seul jour son impatience : il quitte Germanicus, le devance ; et, arrivé en Syrie, il s’attache à gagner l’armée à force de largesses et de complaisances, prodigue les faveurs aux derniers des légionnaires, remplace les vieux centurions et les tribuns les plus fermes par ses clients ou par des hommes décriés, encourage l’oisiveté dans le camp, la licence dans les villes, laisse errer dans les campagnes une soldatesque effrénée ; corrupteur de la discipline à ce point que la multitude ne le nommait plus que le père des légions. Plancine, de son côté, oubliant les bienséances de son sexe, assistait aux exercices de la cavalerie, aux évolutions des cohortes, se répandait en injures contre Agrippine, contre Germanicus. Quelques-uns même des meilleurs soldats secondaient par zèle ces coupables menées, parce qu’un bruit sourd s’était répandu que rien ne se faisait sans l’aveu de l’empereur.

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Germanicus était instruit de tout ; mais son soin le plus pressant fut de courir en Arménie. De tout temps la foi de ce royaume fut douteuse, à cause du caractère des habitants et de la situation du pays, qui borde une grande étendue de nos provinces, et de l’autre côté s’enfonce jusqu’aux Mèdes. Placés entre deux grands empires, les Arméniens sont presque toujours en querelle, avec les Romains par haine, par jalousie avec les Parthes. Depuis l’enlèvement de Vonon, ils n’avaient point de roi ; mais le vœu de la nation se déclarait en faveur de Zénon.