Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/122

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furent rejetées ; et Pison n’obtint que des vaisseaux, et sûreté jusqu’en Italie.

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Cependant, lorsque le bruit de la maladie de Germanicus se répandit à Rome, avec les sinistres détails dont le grossissait l’éloignement des lieux, la douleur, l’indignation, les murmures éclatèrent de toutes parts : "Voilà donc pourquoi on l’a relégué au bout de l’univers, pourquoi la province a été livrée à Pison ; c’est là le secret des entretiens mystérieux d’Augusta et de Plancine. Les vieillards ne disaient que trop vrai en parlant de Drusus : les despotes ne pardonnent point à leurs fils d’être citoyens. Germanicus périt, comme son père, pour avoir conçu la pensée de rendre au peuple romain le règne des lois et de la liberté." Sa mort, qu’on apprit au milieu de ces plaintes, en augmenta la violence ; et, avant qu’il parût ni édit des magistrats, ni sénatus-consulte, le cours des affaires fut suspendu. Les tribunaux sont déserts, les maisons fermées ; partout le silence ou des gémissements. Et rien n’était donné à l’ostentation : si l’on portait les signes extérieurs du deuil, le deuil véritable était au fond des cœurs. Sur ces entrefaites, des marchands, partis de Syrie lorsque Germanicus vivait encore, annoncèrent un changement heureux dans son état. La nouvelle est aussitôt crue, aussitôt publiée. Le premier qui l’entend court, sans examen, la répéter à d’autres, qui la racontent à leur tour, exagérée par la joie. La ville entière est en mouvement ; on force l’entrée des temples. La nuit aidait à la crédulité ; et, dans les ténèbres, on affirme avec plus de hardiesse. Tibère ne démentit point ces faux bruits ; mais le temps les dissipa de lui-même ; et le peuple, comme s’il eût perdu Germanicus une seconde fois, le pleura plus amèrement.

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Chaque sénateur, suivant la vivacité de son amour ou de son imagination, s’évertua pour lui trouver des honneurs. On décréta que son nom serait chanté dans les hymnes des Saliens61 ; qu’il aurait, à toutes les places destinées aux prêtres d’Auguste, des chaises curules62, sur lesquelles on poserait des couronnes de chêne63 ;