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Suite de la mort de Germanicus

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Agrippine, dont l’hiver n’avait nullement interrompu la navigation, arrive à l’île de Corcyre, située vis-à-vis de la Calabre1. Elle y resta quelques jours, afin de calmer les emportements d’une âme qui ne savait pas endurer son malheur. Cependant, au premier bruit de son retour, les amis les plus dévoués de sa famille, tous ceux qui avaient fait la guerre sous Germanicus, beaucoup d’inconnus même, accourus des cités voisines, les uns parce qu’ils croyaient plaire à César, les autres par esprit d’imitation, se précipitèrent dans Brindes le point le plus rapproché et le plus sûr où elle pût aborder. Aussitôt que la flotte fut aperçue dans le lointain, le port, le rivage, les remparts de la ville, les toits des maisons, tous les lieux d’où la vue s’étendait sur la mer, se couvrirent de spectateurs éplorés, qui se demandaient si l’on recevrait Agrippine en silence ou avec quelque acclamation. On doutait encore quel accueil serait le plus convenable, lorsque insensiblement la flotte toucha le port, dans un appareil où, au lieu de l’allégresse ordinaire des rameurs, tout annonçait la tristesse et le deuil. Au moment où, sortie du vaisseau avec deux