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annales, livre iii.

de ses enfants, Agrippine parut, l'urne sépulcrale dans les mains, les yeux baissés vers la terre, il s'éleva un gémissement universel: et l'on n'eût pas distingué les parents des étrangers, les regrets des hommes de la désolation des femmes; seulement le cortége d'Agrippine semblait abattu par une longue affliction, et la douleur du peuple, étant plus récente, éclatait plus vivement.

II. Tibère avait envoyé deux cohortes prétoriennes, avec ordre aux magistrats de la Calabre, de l'Apulie et de la Campanie, de rendre à la mémoire de son fils les honneurs suprêmes. Les cendres étaient portées sur les épaules des tribuns et des centurions : devant elles marchaient les enseignes sans ornements et les faisceaux renversés. Quand on passait dans les colonies, le peuple vêtu de noir, les chevaliers en trabée, brûlaient, selon la richesse du lieu, des étoffes, des parfums, et tout ce qu'on offre aux morts pour hommage. Les habitants mêmes des villes éloignées de la route accouraient à l'envi, dressaient des autels, immolaient des victimes aux dieux mânes, et témoignaient leur douleur par des larmes et des acclamations funèbres. Drusus s'avança jusqu'à Terracine avec Claude, frère de Germanicus, et les enfants que celui-ci avait laissés à Rome. Les consuls M. Valérius et C. Aurélius, qui avaient déjà pris possession de leur charge, le sénat et une partie du peuple, se répandirent en foule sur la route. Ils marchaient sans ordre et chacun pleurait à son gré; car l'adulation était loin de leur pensée, personne n'ignorant la joie mal déguisée que causait à Tibère la mort de Germanicus.

III. Tibère et Augusta s'abstinrent de paraître en public : soit qu'ils crussent au-dessous de la majesté suprême de donner leurs larmes en spectacle; soit qu'ils craignissent que tant de regards, observant leurs visages, n'y lussent la fausseté de leurs cœurs. Pour Antonia, mère de Germanicus, je ne trouve ni dans les histoires, ni dans les Actes journaliers[1] de cette époque, qu'elle ait pris part à aucune cérémonie remarquable; et cependant, avec Agrippine, Drusus et Claude, sont expressément nommés tous les autres parents. Peut-être fut-elle empêchée par la maladie; peut-être, vaincue par la douleur, n'eut-elle pas la force d'envisager de ses yeux la gran-

  1. Véritables journaux manuscrits, qui circulaient non-seulement à Rome, mais dans les provinces. On y racontait les nouvelles de la ville, les jeux publics, les supplices, etc.