Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/131

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pompe dans la ville. Cependant Pison demanda pour défenseurs L. Arruntius, T. Vinicius Asinius Gallus, Éserninus Marcellus et Sextus Pompéius, qui tous alléguèrent différentes excuses. M’. Lépidus, L. Piso et Livinéius Régulus se chargèrent de sa cause. Rome était impatiente de voir comment les amis de Germanicus lui garderaient leur foi, jusqu’où irait la confiance de l’accusé, si Tibère saurait maîtriser et comprimer ses vrais sentiments. Tout préoccupé de ces pensées, jamais le peuple ne se permit contre le prince plus de ces paroles qui se disent à voix basse, de ces réticences où perce le soupçon.

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Le jour où le sénat fut assemblé, Tibère, dans un discours plein de ménagements étudiés, rappela "que Pison avait été l’ami et le lieutenant de son père, que lui-même, de l’aveu du sénat, l’avait placé auprès de Germanicus pour le seconder dans l’administration de l’Orient. Avait-il aigri le jeune César par des hauteurs et des contradictions ? S’était-il réjoui de sa mort ? L’avait-il hâtée par un crime ? Voilà ce qu’il fallait rechercher avec impartialité. Oui, pères conscrits, si un lieutenant est sorti des bornes du devoir, s’il a manqué de déférence pour son général, s’il a triomphé de sa mort et de ma douleur, je le haïrai, je lui fermerai ma maison, je vengerai mon injure privée et non celle du prince. Mais si un attentat, punissable quelle qu’en soit la victime, vous est révélé, c’est à votre justice à consoler les enfants de Germanicus de la perte d’un père et nous de celle d’un fils. Examinez en même temps si Pison a tenu, à la tête des armées, une conduite turbulente et factieuse, s’il a brigué ambitieusement la faveur des soldats, s’il est rentré de vive force dans la province ou bien si ce ne sont là que des faussetés grossies par les accusateurs, dont au surplus le zèle trop ardent a droit de m’offenser. Que servait-il en effet de dépouiller le corps de Germanicus, de l’exposer nu aux regards de la foule, et de répandre jusque chez les nations étrangères des bruits d’empoisonnement, si le fait, douteux encore, a besoin d’être éclairci ? Je pleure mon fils, il est vrai, je le pleurerai toujours ; mais je n’empêche pas l’accusé de produire tout ce qui peut appuyer son innocence, de dévoiler même les torts de Germanicus, s’il en eut quelques-uns. Que le douloureux intérêt que j’ai dans cette cause ne vous engage pas à prendre de simples allégations pour des preuves. Si le sang ou l’amitié donne à Pison des défenseurs, qu’ils emploient tout ce qu’ils ont d’éloquence et de zèle à