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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/134

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nuit de Pison. À des réponses généralement prudentes cet homme mêlant quelques paroles indiscrètes, Tibère lut la lettre de Pison, qui était conçue à peu près en ces termes : "Accablé sous la conspiration de mes ennemis et sous le poids d’une odieuse et fausse imputation, puisque la vérité, puisque mon innocence ne trouvent accès nulle part, je prends les dieux à témoin, César, que ma fidélité envers toi fut toujours égale à mon pieux respect pour ta mère. Je vous implore tous deux en faveur de mes enfants. Cnéius, de quelque façon qu’on me juge, n’est pas lié à ma fortune, n’ayant point quitté Rome pendant ces derniers temps. Marcus m’avait dissuadé de rentrer en Syrie ; et plût aux dieux que j’eusse cédé à la jeunesse de mon fils, plutôt que lui à l’âge et à l’autorité de son père ! Je t’en conjure avec plus d’instances de ne pas le punir de mon erreur, dont il est innocent. C’est au nom de quarante-cinq ans de dévouement, au nom du consulat où nous fûmes collègues5, au nom de l’estime dont m’honora le divin Auguste, ton père, qu’un ami, qui ne te demandera plus rien, te demande la grâce d’un fils infortuné." La lettre ne disait pas un mot de Plancine.

5. Pison fut consul en 734 avec Auguste ; en 747 avec Tibère.

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Tibère disculpa le jeune Marcus de la guerre civile : "C’étaient, disait-il, les ordres de son père ; un fils ne pouvait désobéir." Ensuite il plaignit "la destinée d’une si noble famille, et la fin, méritée peut-être, mais déplorable, de Pison." Quant à Plancine, il parla pour elle en homme confus et humilié de son rôle, alléguant les sollicitations de sa mère. Aussi était-ce surtout contre Livie que s’exhalait en secret l’indignation des gens de bien. "Il était donc permis à une aïeule d’envisager la femme qui tua son petit-fils, de lui adresser la parole, de l’arracher à la justice du sénat ! Ce que les lois obtenaient pour tout citoyen était refusé au seul Germanicus ! La voix de Vitellius et de Véranius demandait vengeance pour un César ; l’empereur et Augusta défendaient Plancine ! Sûre de ses poisons et d’un art si heureusement éprouvé, que tardait-elle à les tourner contre Agrippine, contre ses enfants, à rassasier une aïeule si tendre, un oncle si généreux, du sang de cette famille ? " Deux jours furent employés encore à une ombre de procédure, pendant laquelle Tibère pressait les fils de Pison de défendre leur mère. Comme les accusateurs et les témoins parlaient à l’envi, sans que personne se levât pour répondre, la compassion