Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/135

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faisait plus de progrès que la haine. Le consul Aurélius Cotta, interrogé le premier (car, lorsque c’était l’empereur qui ouvrait une délibération, les magistrats donnaient aussi leur suffrage), proposa "de rayer des fastes le nom de Pison, de confisquer une partie de ses biens, d’abandonner une autre à son fils Cnéius, qui changerait de prénom. Marcus, exclu du sénat, recevrait cinq millions de sesterces et serait relégué pour dix ans. La grâce de Plancine était accordée aux prières d’Augusta.

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Le prince adoucit beaucoup la sévérité de cet avis. Il ne voulut pas que le nom de Pison fût rayé des fastes, puisqu’on y maintenait celui de Marc-Antoine, qui avait fait la guerre à la patrie, celui d’Iulus Antonius, qui avait porté le déshonneur dans la maison d’Auguste6. Il sauva Marcus de l’ignominie, et lui laissa les biens paternels. J’ai déjà dit plusieurs fois que Tibère n’était point dominé par l’avarice ; et la honte d’avoir absous Plancine le disposait à la clémence. Valérius Messalinus proposait de consacrer une statue d’or dans le temple de Mars Vengeur, Cécina Sévérus d’élever un autel à la Vengeance ; César s’y opposa : "Ces monuments, disait-il, étaient faits pour des victoires étrangères ; les malheurs domestiques devaient être couverts d’un voile de tristesse." Messalinus avait opiné aussi pour que Tibère, Augusta, Antonio, Drusus et Agrippine reçussent des actions de grâces comme vengeurs de Germanicus. Il n’avait fait aucune mention de Claude, et L. Asprénas lui demanda publiquement si cette omission était volontaire : alors le nom de Claude fut ajouté au décret. Pour moi, plus je repasse dans mon esprit de faits anciens et modernes, plus un pouvoir inconnu me semble se jouer des mortels et de leurs destinées. Certes, le dernier homme que la renommée, son espérance, les respects publics, appelassent à l’empire, était celui que la fortune tenait caché pour en faire un prince.

6. Il fut puni de mort comme complice des débordements de Julie, pendant qu’elle était la femme de Tibère.

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Peu de jours après, Tibère fit donner par le sénat des sacerdoces à Vitellius, à Véranius, à Servéus. En promettant à Fulcinius de l’appuyer dans la recherche des honneurs, il l’avertit de prendre garde aux écarts d’une éloquence trop fougueuse. Là se bornèrent les expiations offertes aux mânes de Germanicus, dont la mort a été, non seulement chez les contemporains, mais dans les générations